Vente de liquides en vrac: un concept écolo difficile à mettre en œuvre
Food•Solution écologique et économique, la vente de liquide en vrac reste à la traîne par rapport au vrac solide…Jeanne Bartoli
Barquettes en plastique, cartons de pizzas, pots de yaourts, chaque seconde nous jetons en France 2.900 emballages ménagers. Par an, lecompteur affiche 5 millions de tonnes. Pour lutter contre ce fléau, de plus en plus d’épiceries et d’enseignes de grande distribution proposent à la vente des produits « en vrac ». Une façon de réduire les emballages et le gaspillage puisqu’on achète juste le poids dont on a besoin.
Dans les rayons de ces magasins pionniers, les liquides sont souvent les grands absents. Et quand il y en a, les résultats de vente sont mitigés. « Les gens sont enthousiasmés par l’idée, ils sont conscients de l’intérêt écologique mais ce n’est pas dans leurs habitudes de consommation », explique ainsi Benoit Roger, chef de marché épicerie et liquide chez Biocoop. Lors de la COP21, la chaine de magasins bio avait installé à Paris un magasin éphémère 100 % vrac dans lequel elle proposait des tireuses à vin et à l’huile d’olive. Une expérience néanmoins jugée « assez encourageante ».
« Un des problèmes c’est qu’il faut que les clients pensent à avoir une bouteille vide, à la ramener. Il y a des personnes qui préfèrent avoir un produit déjà conditionné et gagner du temps », estime Benoit Roger. Pas toujours facile en effet de penser à amener ses contenants en verre pour aller faire les courses. La bonne volonté ne résiste pas très longtemps.
Des problèmes logistiques
« La vente de liquide en vrac est freinée par des problèmes logistiques, il y a tout un processus de transports et de distribution à revoir », analyse de son côté Julie Marcel, chargée de mission chez l’observatoire Mes courses pour la planète. Contrairement à l’Allemagne ou à l’Italie, la vente en vrac a totalement disparu en France avec l’essor de la grande distribution, dans les années 1960. L’Hexagone est même le leader européen du nombre d’hypermarchés par habitant. Un modèle qu’il est désormais difficile de contrarier.
« Il y a certains fournisseurs qui refusent de nous livrer car avec le vrac vous perdez le support de la marque. Et les chaînes de conditionnement de certains produits sont paramétrées pour un type d’emballage », confie Benoit Roger de Biocoop.
Autre épine dans le pied de la vente de liquide en vrac : les problèmes d’hygiène et les normes européennes à respecter sur les liquides alimentaires. « Pour l’huile, on a moins de problèmes mais le vinaigre et le vin c’est autre chose. Par exemple, le vin n’est pas bouché. Ça veut dire qu’il faut le consommer dans les 8 jours », explique Benoit Roger, ajoutant qu’il faudra à l’avenir arriver à « dépasser ces contraintes ».
Trouver un modèle viable
Pour ne pas rester cantonnée à quelques épiceries bio et se développer à grande échelle, la vente de liquide en vrac doit encore trouver son modèle. Un enjeu important à l’heure ou la grande distribution s’intéresse de plus en plus au concept du vrac.
A Grande-Synthe, près de Dunkerque, une opération « test » est actuellement en cours dans un hypermarché Auchan. Depuis plusieurs mois, l’enseigne propose à ses clients d’acheter des huiles, du vins et des jus de fruits frais en vrac. Une avancée rendue possible par « Jean Bouteille », une start-up lilloise. L’entreprise équipe les magasins en fontaines et en bouteilles, avec un système de consigne à 1 euro. Une fois rendues par les clients, les bouteilles sales sont envoyées dans des « laveuses » situées près du point de vente.
S’il reconnaît volontiers que le système est vertueux, Yann Germain, directeur adjoint du magasin nous confie qu’il est difficile de dégager une marge sur les ventes : « C’est de la vente assistée, je dois mettre en permanence quelqu’un dans les rayons pour aider les clients à se servir. Et avec la location de la machine, ça ne fait pas beaucoup de marge ». Il affirme néanmoins que l’opération est l’occasion pour Auchan « d’attirer des clients éco-citoyens ».
Présent dans une trentaine de magasins en France et en Belgique, Gérard Bellet, fondateur de Jean Bouteille, partage ce constat : « On essaye de trouver des prix abordables. A produit équivalent, on est moins chers mais on a des volumes plus faibles. On ne fait pas le poids en termes de quantité. » Il reconnaît également que le « concept de liquide en vrac plaît plus en ville ».
Avec 29.000 bouteilles vendues l’année dernière, Gérard Bellet continue néanmoins de s’implanter avec succès dans de plus petits commerces, à l’image de l’enseigne 100 % vrac Day by Day. La société devrait également proposer prochainement ses liquides en vrac au Franprix Saint-Paul, dans le 4ème arrondissement de Paris. Pour continuer à éveiller les consciences.