Mort de Prince: La légende du chanteur expliquée à ceux qui ne l'ont pas connu
MUSIQUE•Comment présenter le kid de Minneapolis, la légende de la musique, le génie du business, la bête de scène aux nouvelles générations…V. J.
Depuis plusieurs années, Prince vivait loin des médias et d’Internet, où sa musique est d’ailleurs difficilement trouvable. Il continuait pourtant à travailler avec passion, à sortir un à deux albums par an, et à avoir des fans fidèles. Depuis l’annonce de sa mort à 57 ans, la planète célèbre le kid de Minneapolis, l’acteur de cinéma, l’icône de la mode, la légende de la pop. Mais comment présenter au mieux Prince à ses enfants, aux nouvelles générations ? 20 Minutes a demandé à Frédéric Goaty, rédacteur en chef de Jazz Magazine et auteur de Prince, Le Dictionnaire (Le Castor Astral).
- Une liberté absolue
« Depuis hier, les gens cherchent à écouter ses chansons et à voir ses clips sur Internet, mais ils ne trouvent rien. Même mort, Prince continue à faire ce qu’il veut. Sa musique, il faut la payer. C’est pourquoi les disquaires sont pris d’assaut aux Etats-Unis, que les 15/25 ans achètent ses vinyles. Pour lui, la musique a toujours eu une valeur artistique et commerciale, qu’il fallait préserver. Il avait le même esprit que les artistes des années 60-70, comme Stevie Wonder ou Miles Davis : il faut beaucoup travailler pour progresser, mais il n’y a pas de honte à gagner de l’argent, à avoir du succès.
Prince a toujours un talent incroyable, et une approche radicale. A l’époque de l’album Dirty Mind en 1980, il est le petit noir, l’afro-américain qui ne fait rien comme les autres. Les blancs sont fans d’Earth, Wind & Fire et de leurs pantalons satinés, ils ne comprennent pas ce qu ce kid fait avec son mélange de soul, jazz et funk, et avec ses pantalons moulants sans slip en dessous. Son manager lui dit d’ailleurs un jour qu’il faudrait qu’il mette un slip, alors le lendemain, il s’est pointé sur scène en slip, juste en slip. »
- Purple Rain
« Avant Purple Rain, Prince a déjà du succès, mais qu’aux Etats-Unis, et surtout auprès de la communauté noire. Il essaie plein de choses, joue sur son ambiguïté sexuelle, provoque avec ses textes. Cet album lui permet de faire ce qu’on appelle un "cross-over", il parle maintenant à tout le monde, toutes les communautés. Que ce soit sur la forme avec cette pochette où il arbore un look à la Jimi Hendrix, ou sur le fond avec un son au croisement du rock, du funk et de la musique latine. Il est aussi le premier à introduire les synthétiseurs à la place des cuivres, à utiliser les nouvelles technologies : samplers, boîtes à rythme, etc. Avec à la clé 20 millions de disques vendus, et une influence incommensurable sur les chanteurs hip-hop et R’n’B. »
- Un sens du business
« Dès 1995, aux prémices d’Internet, il a dit qu’avec "ce truc", les maisons de disques étaient mal barrées. Son batteur m’a confirmé l’anecdote. En 2000, il est ainsi le premier, avec David Bowie, à créer son propre site, NPG Music Club, pour vendre sa musique. C’est inimaginable aujourd’hui, mais il faisait payer un abonnement de 100$ par an pour une heure de musique inédite par mois. Quatre ans plus tard, il bouscule encore le système et offre, ou plutôt inclut, son album Musicology avec le prix de la place pour sa tournée. Résultat : il entre dans le top 5 des charts et fait 100 millions de bénéfices. Un génie du marketing. »
- Des concerts uniques
« Chaque concert était inédit, il pouvait s’arrêter en plein milieu, ou proposer un after show en pleine nuit. Je me rappelle d’un Bataclan en 1995, où il était en conflit avec Warner et avait abandonné le nom de Prince au profit de Love Symbol. Il refusait de jouer ses anciens morceaux et a donc proposé que des nouveautés. Nous ne les connaissions pas, mais nous étions tous en communion. Lors de son Zenith à Paris en 2002, il était même possible pour les fans d’assister aux répétitions, puis au concert et enfin à un after show au Bataclan, jusqu’à 5 heures du matin. Du jamais vu. »