STREET ARTEffacé en février, C215 fait ce qu'il lui plait en mai

Effacé en février à Reims, l'artiste C215 fait ce qu'il lui plait en mai

STREET ARTUn de ses dessins au pochoir avait été effacé par mégarde. C215 revient dès ce samedi pour une rétrospective à Reims, où l’artiste de rue a réalisé une trentaine d’œuvres originales…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

C215 à Reims, ça a commencé par un couac. Fin février le journal L’Union a révélé que le service propreté de la ville de Reims avait effacé par erreur une œuvre commandée à l’artiste dans le cadre sa résidence rémoise. C215 a pris la chose avec philosophie. La ville a fait son mea culpa : erreur de communication entre services. « Je ne voudrais pas que cet incident cache notre investissement réel dans la promotion de l’art urbain, explique le maire Arnaud Robinet. Nous avons invité C215 à réaliser des œuvres un peu partout dans Reims en plus de sa grande exposition au Cellier, qui est un lieu emblématique de la ville. »

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Avec C215, Reims a choisi une star du genre. Christian Guémy (de son vrai nom) est, avec JR, l’artiste de rue français le plus en vue. Les villes se l’arrachent, « surtout les villes de droite » s’amuse-t-il. On ne compte plus ses projets institutionnels, les éditions Albin Michel publient sa monographie, et maintenant, Reims lui offre une rétrospective. Très sollicité, l’artiste a tout de même tenu à répondre présent. « On ne m’attendait sans doute pas ici, et en art comme en amour, il n’y a pas d’émotion sans surprises, explique Christian Guémy, alias C215. Reims est aux antipodes de l’art urbain. Et je ne m’attendais pas à avoir une relation aussi forte avec la ville. »

Larguer les suiveurs

A quelques jours de l’ouverture le 30 avril de sa rétrospective, C215 réalise les derniers pochoirs disséminés dans la ville sur des boîtiers EDF ou de la Poste. « A la mairie, ils essuient un peu les plâtres avec cette expo. Mais ils veulent développer l’art urbain et il y a un programme complet autour de l’exposition. » La veille, il était à Manchester pour photographier des clochards, la semaine encore avant, il est allé à Beyrouth rencontrer des enfants dans un camp de réfugiés syriens. « Mon souci n’est pas la publicité,j’ai assez de public. J’ai des centaines de suiveurs qui copient mon style. Moi, je ne veux pas tomber dans l’imitation de mon propre boulot. »

Affable et plaisant, C215 est aussi parfaitement lucide sur son statut dans l’univers du street-art. « Avec JR, on est les plus génériques, et donc les plus décriés, c’est normal. Mon public a une énorme amplitude et j’en suis fier. En tant qu’artiste, après des années d’apnée, j’ai atteint la surface : quatre expos en deux ans. Je me sens serein, j’ai plus de flegme et j’aspire à moins de précarité. On peut m’apostropher et me traiter de baltringue, c’est normal. C’est même sain. »

Leçon de management de carrière

La péripétie de l’œuvre effacée par les services de la ville et son retentissement médiatique ont rendu amer certains artistes de rue rémois. « Il y a une scène graff ici, note C215, mais c’est un peu difficile pour eux que ce soit un mec de Paris qui ait cette exposition-là dans leur propre ville. A la mairie,je leur ai présenté Kusek, un mec d’ici. Avant, il faisait ses trucs la nuit, pas où il fallait. »

Le maire de la ville, Arnaud Robinet, veut bien faire : « J’offre des espaces aux artistes locaux, dans la coulée verte, dans la friche culturelle, et un peu partout dans la ville, pas seulement dans le centre. Mais il y a un travail pédagogique à mener pour que nos concitoyens s’approprient cette culture. Reims a une image de ville un peu vieillotte, les habitants ne sont peut-être pas habitués à l’art urbain mais ça va changer. »

De son côté, C215 pense que sa trajectoire peut inspirer les artistes de rue rémois. « Si tu veux vraiment devenir artiste, et la plupart des graffeurs le veulent, il ne faut pas négliger les œuvres destinées à être vendues en galerie. Moi, dès le début j’ai intégré ça. Je fais une différence entre mes œuvres de rue, qui sont éphémères et peuvent être effacées par un hater, le soleil ou un accident de voiture, et les œuvres pérennes. Bientôt par exemple, je vais faire le décor définitif d’une chapelle à Châlons en Champagne, ce n’est plus de l’art de rue, c’est de l’art tout court. La juxtaposition de ces deux types de travaux m’a toujours nourri. »