AFFICHEOn a déjeuné avec Jacques Villeglé, le grand-père spirituel des street-artists…

On a déjeuné avec Jacques Villeglé, le grand-père spirituel des street-artists…

AFFICHEA 90 ans, Jacques Villeglé a un million d’anecdotes sur le monde de l’art…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

«Est-ce que tu voudrais déjeuner avec Jacques Villeglé ? On parle tout de même du père spirituel des street-artists… » Quand on est journaliste, on reçoit parfois des invitations alléchantes. Deux jours plus tard, la table est dressée : « Je n’ai rien à voir avec les streets-artists, annonce Jacques Villeglé en entamant son entrée, arrosée d’un verre d’eau gazeuse. Mettre des cadres aux affiches, c’est ça mon travail. Je ne suis pas du tout un artiste de rue, je suis tout le contraire. Je prends un matériau dans la rue pour créer des œuvres de galerie. Moi, j’ai toujours voulu vivre de mon art, vendre mes œuvres. »

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Et pourtant, comme à chaque exposition de son travail, les propriétaires de la galerie parisienne Vallois vont voir défiler jeunes et moins jeunes artistes de rue. Jusqu’au 13 mai, la galerie de la rue de Seine expose deux ensembles d’œuvres de Jacques Villeglé : Pénélope et Opération quimpéroise. Le premier présente les dessins préparatoires à un film d’art, imaginé avec Raymond Hains en 1950, et qui n’a jamais vu le jour. Le second est la dernière œuvre réalisée par Jacques Villeglé, un peu par hasard, en 2001 à Quimper, alors qu’il avait pris sa retraite depuis plusieurs années déjà.

On passe au plat

Jacques Villeglé a connu une gloire tardive malgré sa participation pleine et entière au mouvement du Nouveau Réalisme aux côtés de Yves Klein. Aujourd’hui, si son nom n’est pas forcément connu du grand public, tout le monde connaît ses œuvres composées d’affiches lacérées. « Dès le début j’ai perçu qu’il y avait une culture de l’affiche, qu’il pourrait il y avoir un dialogue entre les affiches et la peinture, retrace Jacques Villeglé en se servant un verre de vin rouge d’une main sûre. Je savais que je pouvais constituer une œuvre entière avec des affiches. Je voulais avoir une œuvre aussi riche que Picasso. »

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A 90 ans, Jacques Villeglé a encore en tête une somme d’anecdotes très précises sur les années d’après-guerre, l’émergence de jeunes artistes des années 1950, la gloire et la décadence d’amis proches. Surtout, il a une vision très juste du marché de l’art d’hier et d’aujourd’hui. « La marginalité n’a que des avantages pour l’artiste. Ça lui permet de ne pas se compromettre. Mais quand des jeunes artistes de rue viennent me voir pour me demander des conseils, je ne leur en donne qu’un : trouve une galerie. »

En s’échinant sur sa viande rôtie avec un couteau mal aiguisé, Jacques Villeglé enchaîne les récits cocasses sur les galeristes, les marchands, Kandinsky, Picabia, Klein, Tinguely… Ils habitaient « tous à 300 mètres les uns des autres » à Montparnasse. « Les plus fauchés habitaient à Saint-Germain des Près dans des hôtels miteux. » Sa propre trajectoire, il en parle aussi très bien. « J’ai étudié l’architecture parce que j’étais sourd et que c’était les seuls cours que je pouvais suivre sans entendre le professeur. Ma surdité a été soignée très tard. Ensuite, j’ai toujours gardé mon métier de contrôleur des constructions qui me permettait de visiter beaucoup de chantiers. Je repérais les affiches sur les palissades et je revenais le soir pour arracher celles qui m’intéressaient. Je travaillais le soir à mes œuvres. J’aurai pu être dessinateur industriel, c’était mieux payé et moins dangereux, mais je préférais avoir l’opportunité de me balader dans Paris. »

Fromage ou dessert ?

Pour Jacques Villeglé, il n’y a pas de différence fondamentale entre créer des œuvres dans son atelier ou dans la rue. « Ce qui compte depuis 1950, c’est la manière dont on met en scène son travail. Moi, j’ai créé un art du comportement avec mes affiches lacérées. Personne ne m’a jamais vu arracher les affiches. Ce qui compte c’est le message véhiculé. J’introduis les images de commerce dans le monde de la culture, mais je me débrouille pour que le message commercial, la marque, ne soit plus visible. Il faut qu’on reconnaisse l’affiche d’origine, qu’il y ait un sentiment de familiarité visuelle, mais pas qu’elle impose son message. »

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Parmi la galaxie de street artistes, Jacques Villeglé refuse d’en citer un plutôt qu’un autre, et préfère prendre un peu de temps pour choisir son dessert. « Allez, fromage. Je prends des décisions très vite. Je m’en suis toujours sorti comme ça dans la vie. En deux heures, je fais ce que d’autres font en huit. » Sans être particulièrement vantard, Jacques Villeglé assure que les artistes ne doivent pas trop douter de leur valeur. « Lors d’une récente vente, il y avait des gens du Guggenheim Abu Dhabi, j’ai réussi à leur prouver qu’il y avait le triangle d’or dans mes cadrages. »

En attendant les cafés, Jacques Villeglé se fait philosophe. « On me parle sans cesse de ma méthode de travail original mais je ne vois pas la différence entre un peintre et moi. Je suis comme un peintre, je cherche les couleurs, je travaille les cadrages, je fais des clins d’œil à l’histoire de l’art. Alors ma matière première, j’allais la chercher un peu au hasard. Mais ça n’a rien d’exceptionnel, les chasseurs de trésor ne savent pas ce qu’ils vont trouver mais ils cherchent quand même. »