L’atelier d’artiste, un mythe exploré et explosé dans deux expositions parisiennes
PEINTURE•Le Petit Palais a imaginé une exposition de photographies d’ateliers d’artiste et le musée Jacquemart-André consacre une rétrospective aux peintres impressionnistes en Normandie intitulé «L’atelier en plein air»…Les fantasmes liés au mystérieux univers des ateliers d’artistes sont à l’honneur des expositions de printemps du Petit Palais et du musée Jacquemart André. Le musée des beaux-arts de la ville de Paris a imaginé Dans l’atelier, une exposition photographique composée de 400 clichés montrant des ateliers d’artistes de Ingres à Picasso en passant par Monet et Jeff Koons. De son côté, le musée Jacquemart-André présente des toiles de peintres impressionnistes sous le point de vue de la grande innovation de l’époque : sortir de l’atelier pour peindre.
Peindre en plein air qu’est-ce que ça change ? Tout, et rien, constate Claire Durand-Ruel Snollaerts, commissaire de l’exposition : « Peindre à la lumière naturelle a incité les Impressionnistes à peindre des toiles très claires. Ils ont éclairci leurs palettes en retirant le noir. Ils faisaient le sombres avec des violets ou des bleus. Les critiques de l’époque disaient que les Impressionnistes avaient des problèmes de vue pour peindre comme ça. » Adepte de la transgression, en peignant des paysages notamment, alors que l’Académie et le Salon ne juraient que par les thèmes antiques ou mythiques, les Impressionnistes n’en délaissaient pas les ateliers pour autant et s’y réfugiaient pour achever leurs toiles.
Chambouler les idées reçues
« Si les peintres de l’époque ont pu sortir de leurs ateliers, c’est grâce à une révolution technique : l’arrivée de la peinture en tube, explique Claire Durand-Ruel. Ils n’avaient plus à piler leurs pigments. C’est aussi pour des raisons pratiques qu’ils ont choisi la Normandie qui offrait une grande variété de paysage et de lumière à deux heures de Paris grâce à la première ligne de chemin de fer. »
Ce n’est donc pas pour entrer en connexion mystique avec les éléments que les peintres impressionnistes sont sortis de leurs ateliers. Mais bien pour des questions techniques. Voilà qui écorne un peu le mythe. Tout comme l’exposition du Petit Palais risque dechambouler pas mal d’idées reçues sur les ateliers d’artistes.
Le fantasme de tout voir
« L’atelier d’artiste, c’est un fantasme et un mythe que les artistes ont tout intérêt à cultiver, explique Susana Gállego Cuesta, conservatrice de la collection photographique du Petit Palais. Ils craignent souvent qu’en montrant les coulisses, leur travail soit trivialisé. Il peut y avoir une fausse sensation de compréhension du processus avec une photographie d’atelier. »
Si la révolution impressionniste bouleverse les habitudes de travail et monde de la peinture, ce n’est pas tant en choisissant de sortir de leurs ateliers. Parce que l’académisme n’a rien à voir avec le lieu d’où l’on travaille. Il y a ainsi autant de styles d’atelier qu’il y a d’artistes.
Dit moi comment tu travailles…
« Avec son atelier, on découvre l’univers de l’artiste, c’est sûr, mais pas forcément son intériorité créatrice, explique Susana Gállego Cuesta. Peut-on rendre compte du travail artistique, rendre compte du processus ? Pour ça, il faudrait pouvoir photographier les neurones de l’artiste. Et encore… En revanche, on découvre que ce sont des lieux vivants, des endroits où entre le monde. Les ateliers d’artistes ne sont pas des cellules mais des lieux habités. »
« Ce n’est pas en mettant leurs chevalets dehors que les Impressionnistes ont bouleversé la façon de faire de la peinture, explique Claire Durand-Ruel. Ils voulaient présenter la nature pour ce qu’elle est, sans scène, sans arrière-pensée. C’est ça qui était radicalement nouveau. »