Les guides touristiques, un mauvais plan pour les vacances?

Les guides touristiques pourrissent-ils vos vacances?

VOYAGEChaque année, 7 à 8 millions d'ouvrages sont vendus en France...
Lucie Bras

Lucie Bras

Se retrouver en plein milieu du Guatemala assis dans le même restaurant qu’un groupe de Français : c’est une possibilité si vous utilisez un guide touristique.

Qu’il s’appelle Routard, Lonely Planet ou GeoGuide, le guide est l’accessoire indispensable du costume de vacancier. Glissés dans la poche arrière du sac à dos, « 7 à 8 millions d’exemplaires sont vendus chaque année, toutes marques confondues », indique Line Karoubi, présidente de Gallimard Loisirs, éditeur du guide Cartoville.

L’une des raisons de leur succès : « Les vacances changent », explique-t-elle. « On fractionne son temps. Partir trois semaines devient de plus en plus rare. » Résultat : un temps à rentabiliser. Suivre le guide, c’est l’assurance de ne rien louper dans le temps imparti et de ne pas se tromper.

Des endroits « à voir absolument », des étoiles ou des « coups de cœur », les touristes se retrouvent tous à visiter les mêmes monuments et à jouer des coudes dans les restaurants encensés. « Certains visitent seulement les sites touristiques comme on cocherait des cases sur une liste », regrette Christopher Guyon, blogueur voyage. « Ces gens-là ne prennent pas le temps de découvrir. » Bref, le dépaysement n’est plus vraiment au rendez-vous.

a

Mais le vent tourne pour ces bibles du tourisme. Le marché reste stable depuis plusieurs années, alors que le nombre de voyageurs, lui, augmente. En 2014, 24,9 millions de Français sont partis à l’étranger, contre 21 millions en 2009, d'après les chiffres de la Direction générale des entreprises (DGE).

Internet dans la poche

Certains ont même décidé de s’affranchir totalement de ces guides pour voyager différemment. Tom et Coralie sont partis trois semaines aux Etats-Unis. Leur guide, ils l’ont fait seuls. Avant de partir, les deux Français ont listé tous les endroits qu’ils voulaient voir. « Beaucoup venaient de notre passion pour le cinéma, des lieux de tournages de films. Et des échos d’amis. On voulait aussi se perdre dans la ville et découvrir. »

Informations glânées sur les forums ou les réseaux sociaux : rien de tel qu'un guide
Informations glânées sur les forums ou les réseaux sociaux : rien de tel qu'un guide  - Annabel Vita/Flickr

Une voiture de location plus tard, les deux Français font le trajet de Boston à Philadelphie et s’arrêtent au gré de leurs envies. Un mot d’ordre : la liberté. Et tant pis s’ils n’ont jamais monté les 102 étages de l’Empire State Building.

A la fin du voyage, des souvenirs qui ne ressemblent pas à ceux des autres. « Par rapport à ceux qui ont fait un voyage similaire, nous avons vu des choses que personne d’autre n’a vues, ou presque. »

Peu développés sur les supports digitaux, les guides touristiques perdent des points chez les digital natives (la génération née avec internet). A 25 ans, Bruno est blogueur professionnel. Le jeune homme donne des conseils de voyage sur le blog Votre Tour du Monde. « Je n’ai jamais de guide dans mon sac : c’est lourd et au pire, j’ai une application Trip Advisor. »

Avant de partir, il fait des recherches sur les réseaux sociaux : « J’utilise beaucoup Instagram. Quand je cherche le nom d’une ville, je repère les endroits où faire les plus belles photos et je les localise pour m’y rendre. J’essaie de voyager autrement. »

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

[C'est l'une des photos que l'on trouve lorsqu'on cherche «Portugal» sur Instagram.]

Le symbole de la chouette

Lire des commentaires, vérifier la note d’un établissement : une pratique de plus en plus répandue qui remplace un guide touristique. « La chouette Trip Advisor [un macaron collé en devanture des restaurants] est devenue un symbole important », avance Saskia Cousin, anthropologue et spécialiste du tourisme. « Ils vont aller là où vont leurs pairs. On fait plus confiance aux pairs qu’aux experts. »

Pour conquérir ce nouveau marché, les guides se réinventent. Il y a deux ans, la collection Evasion a fait peau neuve. Le guide se veut différent et alternatif. Au programme, des circuits à travers des microrégions et un programme à construire à la carte. « C’est un guide pour les voyageurs indépendants, qui construisent leurs vacances sur mesure », explique Hélène Firquet, responsable de la collection chez Hachette. Présent sur Twitter et Facebook, le guide Evasion ouvre également le dialogue avec les voyageurs.

Compagnon de voyage

Mais les classiques continuent à dominer le marché : Routard, Lonely Planet ou Geoguide conservent le monopole. « Le Routard a pour but d’être un garde-fou. Vous n’imaginez pas le nombre infini de parents qui les achètent pour leurs enfants qui partent seuls pour la première fois », explique Philippe Gloaguen, directeur du guide du Routard. « Un guide n’est pas un compagnon bavard : quand vous en avez assez, vous le rangez au fond de votre sac. »

Christopher Guyon le reconnaît : « S’il ne faut pas les utiliser à outrance, je ne suis pas contre les guides car ils peuvent servir de base. Plus on a de temps, moins on en a besoin. » Même s’il prône la liberté et l’authenticité, le blogueur garde toujours un guide dans son sac. Au cas où l’envie lui prendrait de déjeuner avec des Français !

a