Un tatouage c’est pas (vraiment) pour la vie
TATOUAGE•Jusqu'à ce que la mort (ou laser, ou un cover) vous sépare…Benjamin Chapon
L’amour ne dure jamais. Les tatouages, si. « Tous les ans, à la Saint-Valentin, on a des couples qui viennent se faire tatouer leurs prénoms respectifs, remarque Charlotte, tatoueuse à Montpellier. Et puis des fois on les voit revenir quelque temps plus tard et ils demandent un cover. » Un cover, c’est un tatouage de recouvrement, ou de rattrapage. Un tatouage qui vient cacher le précédent. Dans certains salons, ça concerne un tatouage sur deux réalisés. Tin-tin, très fameux tatoueur et organisateur du Mondial du Tatouage (du 4 au 6 Mars 2016, à Paris), s’en est même fait une spécialité : « Il y a beaucoup de tatoueurs qui n’osent pas faire de covers. Moi, ça m’amuse parce que c’est un challenge. Humainement, c’est super parce que les gens, tu leur changes vraiment la vie. Ils ont les yeux qui brillent et sont deux fois plus contents que pour un tatouage normal. Alors, du coup, moi aussi ça me fait deux fois plus plaisir. »
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« Des gens qui veulent effacer un prénom, ça arrive mais la plupart des covers servent à couvrir un tatouage mal réalisé », estime Tin-tin. Démocratisée, la pratique du tatouage a fait s’équilibrer l’offre et la demande. « Il y a de plus en plus de tatouages, donc il y en a de plus en plus de mauvais qu’il faut rattraper. Et puis les gens ont de plus en plus la culture du tatouage, ils en voient plein de beaux dans les magazines, et donc ils réalisent qu’ils en ont un dégueulasse sur la peau. »
La carpe et le Carpe Diem
Techniquement, un cover est un tatouage comme un autre. Mais le tatoueur doit intégrer un plus grand nombre de contraintes. « Un cover bien réussi doit non seulement couvrir le précédent mais en plus être joli, explique Steph, du salon Octopus Tatouage, à Pontoise. Moi, je préfère laisser apparaître quelques détails de l’ancien tatouage par transparence plutôt que de tout recouvrir d’une grosse masse sombre moche. Quand c’est trop foncé, il n’y a plus de relief, c’est moins joli. Je privilégie les motifs très colorés parce que ça disperse le regard et qu’on voit moins la zone sombre qui recouvre l’ancien tatouage. »
Tin-tin prend le temps de bien discuter avec le client avant de réaliser un cover pour bien cerner ce qu’il attend : « Les gens qui viennent me voir connaissent mon travail. Je propose souvent des carpes parce que je fais pas mal de tatouages japonisants. Le corps de la carpe me permet de cacher le tatouage d’origine. Des fois, je peux aussi me servir de la chevelure d’un portrait. Il faut être malin et judicieux. »
La ruse du serpent
Pour en revenir au tatouage amoureux qui a fané, que ce soit pour une raison sentimentale ou épidermique, Steph « utilise souvent des dragons ou des serpents parce que je peux les faire tourner où je veux. Je joue avec les écailles plus ou moins sombres. Quand il faut recouvrir une phrase par exemple, le serpent c’est pratique. » Mais lui aussi constate que les gens sont souvent attachés à leurs tatouages amoureux, même quand l’amour est passé. D’après Machine, « on se fait faire un cover pour des raisons esthétiques; pour effacer un mauvais souvenir, les gens se tournent plutôt vers le laser ».
Tin-tin a déjà recouvert toutes sortes de tatouages : « Couvrir un prénom, ça fait quand même mal au cœur. » Grands sentimentaux, les tatoueurs sont peut-être les plus grands défenseurs de l’amour pour toujours. « Je dis toujours à mes clients de bien réfléchir avent de se décider, et surtout de bien choisir leur tatoueur », explique Tin-tin. « Nos tatouages représentent ce que nous sommes et ce que nous avons été, explique Charlotte. Parfois, on garde un tatouage moche parce qu’il représente un bon souvenir. Alors pourquoi pas un joli tatouage sur un mauvais souvenir ? »