SERIES«Baron Noir»: Les qualités (et les défauts) pour jouer un homme ou une femme politique

«Baron Noir»: Les qualités (et les défauts) pour jouer un homme ou une femme politique

SERIESKad Merad joue à merveille un politicien retors et prêt à tout dans la série de Canal+ « Baron Noir »…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Kad Merad n’a pas peur. Au moment d’accepter le premier rôle de la série Baron Noir, sur Canal +, il a peu hésité. « C’est ma première série mais la qualité de la distribution et du scénario m’a séduit », confie-t-il. Quant à la crainte d’incarner un homme politique, profession la plus détestée de France, cupide, arriviste, immoral par moments ? « C’est comme ça dans notre métier, parfois on incarne des salauds. Mais mon personnage est ambigu, on lui trouve des excuses au bout d’un moment. Je suis sûr qu’après cette série, les gens dans la rue continueront à me « bilouter » ou à m’appeler « le papa du Petit Nicolas ». »

>> Trop de séries à suivre ? On vous a concocté un Google Agenda pour n’en manquer aucune…

Pour incarner des hommes et femmes politiques tour à tour détestables, faibles, forts, malins, idiots, méchants, mesquins ou brillants, Kad Merad, Anna Mouglalis et Niels Arestrup estiment qu’il faut « jouer à l’acteur. » L’actrice qui interprète Amélie Dorendeu, jeune et idéaliste première secrétaire du Parti socialiste, estime que « leur métier ressemble parfois un peu au nôtre. Eux aussi ils jouent. Mais quand on est politique, on parle pour soi et plus que soi. Nous, acteurs, on utilise la voix de son cœur et de son âme. Les politiques ne peuvent pas. »

La franchise feinte, mais sincère

La question de la sincérité est centrale dans les questions que les trois acteurs se sont posées au moment d’interpréter leurs personnages. « En tant que citoyenne, j’ai des doutes sur la sincérité de la parole politique, raconte Anna Mouglalis. Je sais bien qu’il y a une différence entre le programme pour gagner et le programme pour gérer. Mais en tant qu’actrice, pour croire dans mon texte, dans mon personnage, je dois croire à 100 % à ce que je dis. Et je pense que les politiques eux-mêmes croient à leurs mensonges quand ils les disent. Ils se laissent séduire par leur propre rhétorique. »



Kad Merad, qui défend son personnage bec et ongles, s’est appuyé sur « son ambiguïté, son humanité, son intimité » pour composer un homme « qui sait ce qu’il veut au bout du compte et ne mégote pas sur les moyens d’y arriver. » L’acteur crève l’écran dans Baron Noir et sa noirceur fait oublier les nombreux rôles de benêts qu’il a interprétés par le passé : « C’est très plaisant de jouer un homme intelligent et habile. »

Maso et schizo

Pour Niels Arestrup, les hommes politiques cumulent schizophrénie et masochisme. « L’amitié ça n’existe pas en politique. Mitterrand par exemple. Après son élection, ses proches avaient l’impression que ce n’était plus la même personne. C’est une vie terrible. La pression, la critique permanente, le devoir de séduire et la déception perpétuelle que vous inspirez… Il faut être un peu maso pour vouloir de cette vie-là. »



L’acteur avoue avoir eu du mal à intégrer cette donnée-là à son jeu : « Leur passion m’est étrangère, c’est quelque chose que je ne comprends et qui m’inspire plutôt de la sympathie, ou du moins de l’indulgence ». Sur ce point, les avis divergent parmi les acteurs de Baron Noir. Anna Mouglalis, notamment, ne trouve « aucune excuse aux politiciens ».

Grands enfants

En revanche, le trio d’acteurs de Baron Noir le clame en chœur : « Les politiques n’ont plus de prises sur le monde réel, ils n’ont plus la même appréhension des choses, ils sont déconnectés ». Entourés par les flatteurs et inadaptés à la vie quotidienne, les politiques ressemblent beaucoup… aux acteurs en somme.

« Ils sont dans une réalité parallèle que j’ai adoré découvrir, raconte Kad Merad. Je ne connaissais le monde de la politique que du point de vue du citoyen un peu fasciné par les ors de la République. Je suis déjà allé à l’Elysée pour une projection privée, ou pour des remises de médailles, et honnêtement, j’étais ému. Un peu comme quand tu rencontres Zinédine Zidane ou Stevie Wonder. Je pense que les politiques ont une forme d’admiration pour les hautes fonctions, c’est leur moteur. »