Angoulême dans la peau d'un auteur de BD : Une expérience riche mais éprouvante
TEMOIGNAGE•Coaché par Lewis Trondheim, le journaliste de « 20 Minutes » a participé aux « 24 heures de la BD » en préambule de la 43e édition du festival d’Angoulême…Olivier Mimran
Les 24 heures de la BD sont terminées depuis 15h, cet après-midi et quelques heures de sommeil n’ont pas suffi à me remettre d’aplomb. L’épreuve a réuni plus de 400 participants et la performance consistait à réaliser, en 24 heures, un récit de 24 planches de bande dessinée ! J’en suis sorti fourbu (je n’ai évidemment pas dormi la nuit dernière), « blessé » - mes doigts ne répondent plus - mais heureux et fier d’avoir relevé un challenge que je pensais hors de portée.
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Le défi était de taille : ressortir des pinceaux que j’avais rangés 25 ans plus tôt pour prendre part à cette épreuve complètement dingue qui précède, chaque année, l’ouverture du Festival International de la BD d’Angoulême. Et même si j’y ai été « préparé » par LE spécialiste de ce challenge, Lewis Trondheim lui-même, les événements ne se sont pas tout à fait déroulés comme je l’avais espéré.
>> A relire : Première étape, la préparation physique
Malgré la mise en garde de mon coach lors de ses premiers conseils, j’ai débarqué à Angoulême lundi soir, la veille du top-départ des 24 Heures.
« Angoulême lundi soir. Lewis m’avait pourtant prévenu ! https ://t.co/8c5LlMFu2a #Defi24hBD @lewistrondheim @20Minutes pic.twitter.com/USGIVu47o1 — Olivier Mimran (@OlivierMimran) January 25, 2016 »
Mais stressé par l’enjeu, j’ai passé une bonne partie de la nuit à tester pour la énième fois crayons, feutres et papiers. Résultat, je suis arrivé à La Maison des Auteurs d’Angoulême, où se déroulait l’épreuve, aussi fatigué que si j’avais pris en train le matin-même.
Leçon n°1 : prévoir plusieurs bonnes nuits avant de participer
Pour cette dixième édition, l’événement comportait non plus une mais trois contraintes. La première nous fut énoncée en français, anglais et espagnol et en duplex avec le Mexique (dont 40 auteurs locaux participaient à l’épreuve).
« 1ère contrainte, à réaliser sur 8 pages (couverture comprise) #Defi24hBD @20Minutes pic.twitter.com/YHnvAxJNnZ — Olivier Mimran (@OlivierMimran) January 26, 2016 »
Les quatorze participants présents se sont ensuite installés – pour les 24 heures à venir – sur des plans de travail équipés de tables lumineuses et habituellement réservés aux auteurs de BD régulièrement accueillis en résidence à Angoulême. Après quelques encouragements collectifs, chacun s’est alors mis, avec plus ou moins d’enthousiasme, au travail.
Sébastien Chrisostome, co-auteur avec Marine Blandin de l’album La renarde (en sélection officielle), m’avoue « ne pas être hyper motivé » - ce qui ne l’empêchera pas d’aller au bout de l’épreuve.
« Sébastien Chrisostome (co-auteur de La renarde, en sélec. officielle https ://t.co/mLUyzGDRcH) #Defi24hBD @20Minutes pic.twitter.com/etA4haNnGB — Olivier Mimran (@OlivierMimran) January 26, 2016 »
Si les échanges étaient encore fréquents durant les deux premières heures, un silence s’est ensuite vite établi, témoignant d’une ambiance générale hyper studieuse. J’ai moi-même (trop ?) longtemps réfléchi à mon scénario avant d’attaquer le dessin, tant il me paraissait impérieux de réaliser 8 premières pages « ouvertes », car susceptibles d’être perturbées par l’annonce des seconde et troisième contraintes.
« L’inspiration tarde à me venir. Heureusement, Bob l’éponge a l’air au taquet #Defi24hBD #gonzo @20Minutes pic.twitter.com/F6EpMoNqb0 — Olivier Mimran (@OlivierMimran) January 26, 2016 »
Leçon n°2 : improviser du début à la fin de l’épreuve pour gagner un temps précieux (ce que Lewis m’avait judicieusement conseillé – sans que je l’écoute)
>> A relire : Deuxième étape, l’organisation du temps
Après un break dinatoire bref mais très convivial, chacun se remet au travail. Christophe Bataillon, qui a dessiné l’affiche de cette édition, se réjouit d’avoir enfin trouvé l’inspiration.
« Christophe Bataillon en pleine concentration #Defi24hBD @20Minutes pic.twitter.com/sZmLy5OEB2 — Olivier Mimran (@OlivierMimran) January 26, 2016 »
Personnellement, je n’ai pas terminé de dessiner ma première planche cinq heures après le début de l’épreuve ! Et c’est lorsque la nuit tombe sur Angoulême que le qualificatif d'« épreuve » prend vraiment tout son sens : il faut désormais cravacher pour tenir les délais et être prêt à se soumettre à la seconde épreuve, annoncée à 23 heures.
Passé minuit, plus un bruit – excepté des crissements de feutres ou de stylets graphiques - dans les salles de travail de la Maison des Auteurs ! Chacun enchaine les planches avec plus ou moins d’inspiration. Pour ma part, j’en réalise trois – accusant un retard désormais considérable – avant que ne survienne un incident inattendu : plus du tout habitués à l’écriture manuscrite, mes doigts engourdis n’arrivent soudain plus à tenir mon crayon !
« Je ne peux plus tenir un crayon ! L’abandon de l’écriture au profit de la frappe se paie cher #Defi24hBD @20Minutes pic.twitter.com/np8gglsVHL — Olivier Mimran (@OlivierMimran) January 27, 2016 »
J’ai bien réussi, par orgueil, à encore dessiner la couverture et une planche supplémentaire… avant de devoir jeter l’éponge, écrasé de fatigue et découragé par cette improbable défaillance physique.
Leçon n°3 : réhabituer ses mains à écrire/dessiner des heures durant
>> A relire : Troisième étape, le matériel à privilégier
Malgré la désillusion, le bilan que je tire de cette aventure inédite est plus que positif. D’abord parce que j’ai pris beaucoup de plaisir aux échanges dessinés que Lewis Trondheim et moi avons entrepris. Ensuite parce que participer en personne – et aux côtés d’artistes aux profils très variés - aux 24 Heures de la BD m’aura personnellement beaucoup ouvert et enrichi. Enfin parce que j’ai pu y réaliser que le talent seul ne faisait pas l’artiste : comme dans de multiples autres disciplines, il doit s’agréger à une vraie rigueur… et une bonne dose d’humilité.