Artistes confidentiels et alcooliers, les dessous d’audacieuses collaborations
ENQUETE•Comment des peintres, graphistes ou street artist peu connus accèdent à la popularité par le biais des marques de spiritueux?Marion Buiatti
Ilk. Ce pseudonyme ne vous dit peut-être rien, et pourtant c’est l’auteur d’une campagne de publicité pour la marque de whisky Monkey Shoulder. Son trait, tout comme celui d’un autre nommé Tyrsa, a plu à l’alcoolier. Pour entamer la collaboration, ce dernier leur «demande de faire des choses simples que les consommateurs peuvent comprendre», souligne Thibault Queruau, chef de marque chez Monkey Shoulder. «Quand on nous appelle, c’est pour utiliser notre nom, mais aussi pour notre sens de la communication avec un client», affirme Tyrsa tandis qu’Ilk obtempère d’un signe de tête. Pour preuve, ils ont déjà travaillé avec d’autres marques telles Moët & Chandon ou Lagavulin. S’ils ont l’avantage d’avoir travaillé en agence de publicité en tant que graphistes pour se frayer un chemin vers les marques, ce n’est pas le cas de tous les artistes.
Deux modes opératoires
Pour repérer les talents à mettre en avant, les marques disposent de deux options. La plus simple reste de passer par une agence: «Souvent, notre rôle est de créer une campagne autour de l’univers du street art avec des artistes crédibles et légitimes dans ce milieu», explique Thomas Laget, directeur de production au sein de l’agence Sid Lee. Les alcooliers reçoivent alors des propositions clés en main à peaufiner selon leurs désirs.
Mais certains préfèrent passer en direct avec les artistes. C’est le cas de la maison de cognac Hennessy qui «n'a pas de raison de travailler avec une agence. Nous sommes suffisamment au courant et intéressés par le monde de l’art en général pour ne pas avoir besoin qu’on nous tienne par la main», affirme Thomas Moradpour, directeur marketing et communication chez Hennessy. La marque opère une veille constante de la scène artistique urbaine. «On recherche avant tout des artistes qui auraient l’envie de travailler avec nous. On souhaite qu’ils aient également une certaine intimité avec les valeurs et la philosophie d’Hennessy. Il me semble que c’est ainsi qu’une collaboration peut avoir plus de portée», détaille Thomas Moradpour.
Gagner en notoriété
Car c’est la le nerf de la guerre: la visibilité. Quand les alcooliers se servent de l’image accessible et tendance des artistes, ces derniers profitent de la renommée de la marque pour émerger auprès du grand public. Et ce n’est pas Fernando Volken Togni, auteur du graphisme de la bouteille en édition limitée Ballantine’s Brasil: «La vidéo consacrée à la bouteille qui a été postée sur Youtube a fait des millions de vues! Alors ça donne beaucoup de visibilité. De plus, c’est vraiment fun de travailler sur ce genre de projet. Ca permet d’explorer différentes voies au travers de recherches graphiques. On gagne plus que de l’argent, on gagne une certaine liberté.» En effet, les marques laissent quasiment toutes «carte blanche aux artistes», conclut Ilk. Une formule gagnant-gagnant en somme.