SOCIETELittérature: Les manuscrits de la madeleine de Proust publiés pour la première fois

Littérature: Les manuscrits de la madeleine de Proust publiés pour la première fois

SOCIETELes reproductions à paraître des trois cahiers utilisés par Proust pour écrire son chef d'œuvre révèlent des anecdotes, forcément croustillantes...
20 Minutes avec agences

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Il s’en est fallu d’une miette pour que la célèbre petite madeleine de Proust soit du « pain grillé » ou « une biscotte ». C’est ce que révèlent les ébauches d’A la recherche du temps perdu, l’un des monuments de la littérature du 20e siècle, qui seront publiées ce jeudi pour la première fois.

Reclus dans la chambre de son appartement parisien, boulevard Haussmann, ou dans celle du 4e étage du Grand Hôtel de Cabourg, Marcel Proust noircit des pages et des pages. Ses doutes, ses hésitations et ses trouvailles se déploient dans ses carnets Moleskine, ses cahiers d’écoliers, des feuilles volantes. A la recherche du temps perdu sera longtemps un gigantesque chantier dont l’agencement n’est pas définitif… « De ces dizaines de milliers de pages, nous avons choisi d’extraire trois pépites », raconte aujourd’hui Jessica Nelson, éditrice et cofondatrice des éditions des Saint-Pères.

« Une sorte de Big Bang proustien »

Des éditions qui publient donc les reproductions des trois cahiers Moleskine inédits, sur lesquels Proust travaille sur ce qui va devenir « une scène fameuse entre toute » de l’univers proustien : celle du goût de la madeleine humectée d’un peu de thé.

« C’est dans ces Cahiers que l’on trouve la première occurrence de cette sensation - qui passe, à juste titre, pour une sorte de Big Bang proustien », écrit dans sa préface Jean-Paul Enthoven, coauteur avec son fils Raphaël, du Dictionnaire amoureux de Marcel Proust (Plon).

« Marcel, prudent, n’a pas encore définitivement choisi sa Petite Madeleine "moulée dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques". Il hésite, envisage diverses pâtisseries, après avoir imaginé une tranche de "pain grillé", il médite autour d’une "biscotte", et il faut attendre encore pour voir enfin apparaître le biscuit proustien par excellence », s’amuse Jean-Paul Enthoven, à l’idée que cette hésitation puisse désormais demeurer une source intarissable de discussions entre érudits.

Pain grillé « vraiment marcellien » ou biscotte « d’origine wagnérienne »

Pour les uns, seul le pain grillé est « vraiment marcellien ». Pour d’autres, la présence d’une biscotte serait « d’origine wagnérienne », car on trouve la trace d’une biscotte dans la correspondance du musicien que Proust a naturellement lue. La petite madeleine apparaîtra finalement dans Du côté de chez Swann. Marcel se voit proposer par sa mère du thé et des madeleines en une froide journée d’hiver. Lorsque les miettes et le breuvage chaud inondent son palais, il tressaille. Cette sensation de plaisir le renvoie à des souvenirs plus anciens.

Le voilà ramené à Combray, le dimanche matin, lorsque la tante Léonie lui proposait une infusion de thé ou de tilleul. Le bonheur de l’enfance ressuscite. « Cet épisode est le moteur secret d’A la recherche du temps perdu. Les trois cahiers inédits permettent ainsi de retracer la généalogie littéraire du moment le plus emblématique de l’univers proustien », reprend Jessica Nelson. Des cahiers qui ne s’attardent pas seulement sur cette fameuse « madeleine de Proust », devenue ce lieu commun désignant un souvenir qui revient soudain à la mémoire.

Coffret vert numéroté ou un coffret ivoire à 249 euros

On apprend effectivement que lorsqu’il estimait avoir terminé son roman, Marcel Proust se questionnait encore sur le titre à donner à son œuvre. A la recherche du temps perdu aurait même pu s’appeler Les Intermittences du cœur. L’auteur va aussi connaître les affres de la recherche d’un éditeur. Gaston Calmette, le patron du Figaro où travaille Proust lui a promis une publication chez Fasquelle. Mais le premier lecteur du manuscrit refusera ce texte « fuyant de partout ». Facétie de l’histoire, ce lecteur s’appelait… Jacques Madeleine. Finalement, en mars 1913, Grasset accepte de le publier à compte d’auteur et les derniers volumes paraîtront après la mort de l’écrivain, en 1922.

Les éditions des Saints-Pères ont, elles, prévu deux tirages. Les 1.000 premiers acheteurs auront droit à un coffret vert numéroté, ensuite ce sera un coffret ivoire (non numéroté). Quelle que soit l’édition, ces carnets d’un total de 268 pages seront vendus 249 euros.