BDCorto Maltese inspire toujours les auteurs de BD

Corto Maltese inspire toujours les auteurs de BD

BDFigure de proue de ce qu’on appelle « la nouvelle BD », David B. explique à 20Minutes à quel point Corto Maltese a marqué sa génération…
Olivier Mimran

Olivier Mimran

Avec ses 29 aventures (compilées dans 13 albums), le marin créé en 1967 par l’auteur italien Hugo Pratt a marqué plusieurs générations de lecteurs. Parmi ceux qui l’ont découvert dans les pages du défunt hebdomadaire pour la jeunesse Pif Gadget (entre 1970 et 1973), on trouve David B. (L’Ascension du haut mal, Par les chemins noirs, Les chercheurs de trésor etc), devenu depuis l’une des figures de proue de la « nouvelle bande dessinée » : « À l’époque, Corto était une série à part », se souvient-il. « C’était plus… adulte ? Car Pratt a contribué à faire mûrir la bande dessinée, qu’on pensait alors uniquement destinée aux adolescents ».

Pratt « laissait parler l’image »

Grand admirateur de l’américain Milton Caniff, Pratt s’était inspiré de sa science des contrastes, peu utilisés dans les années 1960. « Il avait une utilisation du noir et blanc qui était très moderne, très audacieuse pour l’époque », remarque David B.. La bande dessinée actuelle « doit beaucoup à son travail sur le découpage, la confrontation entre dialogues et silences (il y avait beaucoup moins de texte dans ses bandes dessinées que dans celles de ses pairs). Il laissait beaucoup plus parler l’image ! ».

Une prise de risque continue

Rubén Pellejero, qui dessine la reprise de Corto, reconnaît lui-même l’influence de Pratt sur son travail : « Sa fluidité narrative et sa maîtrise du noir et blanc m’ont toujours impressionné. Il inventait sans cesse, il prenait des risques dans chacun de ses dessins et il faut un sacré talent pour le faire et obtenir d’aussi bons résultats. Son œuvre est une source d’inspiration quotidienne ». Son scénariste, Juan Díaz Canales, reconnaît lui aussi que « c’est grâce à l’œuvre de Pratt que je suis devenu scénariste de bande dessinée ».

Une dimension politique à la BD contemporaine

Car si ses dessins, immédiatement identifiables, ont révolutionné la BD, les récits d’Hugo Pratt ne sont pas en reste : « Les sujets qu’il abordait dans Corto étaient eux aussi très différents de ce qui se faisait à l’époque », précise David B.. « On avait tout d’un coup un personnage absolument ambigu, qui n’était pas un héros “tout d’une pièce” comme pouvaient l’être Rahan, Loup noir, docteur Justice etc. Son univers était bien plus complexe, en fait… Et les époques que Pratt traitait, le fait que Corto voyage dans différents pays souvent marqués par des contextes politiques forts, c’était vraiment nouveau. Finalement, Pratt a amené, même si ça a été par le petit bout de la lorgnette, une dimension politique à la BD contemporaine qui n’existait pas, ou confidentiellement avant lui ».