Kadhafi, Poutine… Comment transformer un chef d'Etat en personnage de roman
RENTREE LITTERAIRE•Cette année encore, les auteurs font la part belle à l’exofiction…Florence Floux
Qu’ont en commun Mouammar Kadhafi et Vladimir Poutine ? A vue de nez, pas grand-chose si ce n’est une mine peu réjouissante et d’être les héros de deux romans de la rentrée, La dernière nuit du Raïs, de Yasmina Khadra (éd. Julliard) et Vladimir Vladimirovitch, de Bernard Chambaz (éd. Flammarion).
Les deux auteurs cèdent aux sirènes de l’exofiction – si vous avez raté un ou deux épisodes, ça signifie prendre un personnage réel pour en faire un personnage romanesque- pour s’approprier ces chefs d’Etat. Si les deux hommes ne se ressemblent pas, certains procédés fonctionnent parfaitement pour les deux livres. 20 Minutes vous révèle les secrets pour transformer un chef d’Etat en personnage romanesque.
Choisir un porte-parole qui a de la gueule. Ça semble évident dit comme ça, mais ce n’est pas flagrant pour tout le monde (coucou Beigbeder). Yasmina Khadra s’est ainsi glissé dans la peau du Raïs, et emploie le « je » de façon à la fois crédible et terrifiante. Quand Bernard Chambaz a de son côté choisi de confier le récit de la vie de Poutine à son homonyme, Vladimir Vladimirovitch Poutine, né la même année et son parfait contraire. Professeur de littérature déchu, spécialiste des Âmes mortes de Gogol, quitté par sa femme, reclu dans une vie étriquée, Vladimir Vladimirovitch va développer une obsession pour son double à qui tout semble réussir.
Bosser son storytelling. Là encore, on peut raisonnablement penser que c’est la norme dans un roman. Oui et non (coucou Patrick Deville). Bernard Chambaz et Yasmina Khadra ne s’escriment pas à coller à tout prix à la réalité. Les aventures – parfois barrées – de Vladimir Vladimirovitch dans l’espace cohabitent avec la vie d’un Poutine aux yeux mélancoliques de phoque très terre à terre. Quant à Yasmina Khadra, les dernières heures du Raïs voient défiler les monologues intérieurs d’un Kadhafi défait, qui laisse libre cours à sa folie.
Essayer de ne pas raconter n’importe quoi. Une tâche qui n’est pas si facile (coucou, la liste est trop longue), quand on touche à la Libye et à la Russie. Passées les phrases dignes du café du commerce, qui peut s’estimer capable de dresser les biographies de Vladimir Poutine et de Mouammar Kadhafi ? Bernard Chambaz – qui est aussi historien – et Yasmina Khadra livrent des récits documentés. L’occasion d’apprendre que Poutine a été baptisé en secret par sa mère et que Kadhafi était – peut-être – le fils d’un aviateur corse.