«Star Trek» vous donne des cours de droit

«Star Trek»: Comment la série permet d’apprendre le droit

JUSTICESelon Fabrice Defferrard, professeur de droit à l’université, la saga est riche de cas concrets et cohérents…
Joel Metreau

Joel Metreau

L'essentiel

  • Après avoir revu les films et les séries télévisées Star Trek, le professeur Fabrice Defferrard, qui enseigne le droit aux universités de Reims, de Paris-I et d'Ottawa, vient de sortir Le droit selon Star Trek.
  • Non-ingérence, légalité des peines et délits, procès équitable... La saga de science-fiction énonce des règles essentielles du droit.

Ce n’est pas une série judiciaire, encore moins policière. Pourtantn sur les quelque 700 épisodes de la série Star Trek, près de 200 abordent des problèmes juridiques de manière plus ou moins explicite. C’est l'une des observations faites par Fabrice Defferrard, 48 ans, professeur de droit à Reims, à La Sorbonne et à Ottawa, qu’il a couchée dans son livre Le droit selon Star Trek (éditions Mare & Martin, 29 euros). «Il existe tout un ensemble juridique d’une cohérence étonnante dans un univers de science-fiction, explique le prof à 20 Minutes. Tour à tour, des personnages sont mis en cause lors de procès.» Quelques exemples.

Un vaisseau comme un tribunal

Le vaisseau spatial Enterprise semble parfaitement conçu pour tenir des procès. Il y existe un lieu où sont prises les décisions: une salle de réunion, à côté de la passerelle, où les intéressés se retrouvent quand un problème les concerne. «Il y a alors un débat contradictoire où chacun expose ses motivations, puis le capitaine tranche, pointe l'universitaire. Après, c’est la phase d’exécution. Ce processus d’élaboration de la décision ressemble beaucoup à la manière dont on rend une décision de justice.»


Etre ou ne pas être?

Difficile d'intenter un procès à son grille-pain pour s'être brûlé avec. Dans le futur, les machines sont plus évoluées. Dans l'épisode Etre ou ne pas être, avec le futur X-Men Patrick Stewart en capitaine Picard, le fameux androïde Data est menacé d’être démonté. «La question se pose de la personnalité juridique de Data, est-ce une chose, un objet de droit, ou une personne, un sujet de droit ?, remarque Fabrice Defferrard. Il y a dans l’épisode un procès qui vise à déterminer si c’est un individu avec une conscience. Les avancées technologiques actuelles en matière d’intelligence artificielle font que cette question va se poser à nous.»



Se mêler de ce qui ne nous regarde pas

A bord de l’Enterprise, l’équipage est soumis à la «Directive première». C'est la règle ultime: on ne se mêle pas des affaires autres civilisations. «C’est un principe de non-ingérence, comme un Etat ne doit pas s’immiscer dans les affaires d’un autre», explique Fabrice Defferrard. Mais il y a souvent conflit, car le capitaine est sans cesse ballotté entre l’acception du droit local ou une dérogation à l’application de la directive première car un autre intérêt entre en jeu. «Beaucoup de trekkies [amateurs de Star Trek] pensent que le capitaine passe son temps à violer la Directive première. C’est faux. Il ne la viole pas, mais l’interprète, comme un juge donne un sens à une règle de droit en fonction des faits qui lui sont soumis», observe Fabrice Defferrard. Nuance.

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C'est mon corps, j'en fais ce que je veux

Une autre question est parfois abordée par la série: «le droit de disposer librement de son corps», remarque Fabrice Defferrard. Avec notamment le sujet, toujours d’actualité, du droit au suicide. Dans l’épisode La Moitié d’une vie, une femme sur le vaisseau tombe amoureux d’un scientifique d’une autre espèce. «Or dans la culture de cette espèce, les gens doivent se suicider à 60 ans. La femme ne le supporte pas et demande au capitaine d’intervenir. Il lui oppose la directive première.» Sans pitié.


Refuser de juger

Il existe des cas où un juge ne peut se prononcer. Dans l’épisode Viols, un membre de l’équipage est victime d’un viol mental de la part d’un personnage appartenant à une civilisation qui a une capacité télépathique. Les autres membres de cette civilisation remettent l’auteur des faits au capitaine de l'Enterprise. «Or le capitaine ne veut pas le juger car il s’en sent incapable: la situation lui est inconnue, raconte Fabrice Defferrard. La justice ne peut pas reprocher à un individu un fait qui n’a pas été légalement prévu et incriminé. Cet exemple permet d’expliquer ce principe fondamental de la justice, inventé au XVIIIe siècle, qui est le principe de la légalité des délits et des peines.»

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Une nuit «Star Trek» à Paris

Prêts à dormir devant les étoiles? Le cinéma Max Linder à Paris organise samedi 28 mars à partir de 23h une nuit Star Trek, en hommage à Leonard Nimoy, l'interprète emblématique de Spock, décédé le 27 février dernier. Au programme, trois films: Star Trek: Le film (1979), Star Trek II: La colère de Kahn (1982) et Star Trek VI: Terre inconnue (1991).