Preview BD: Découvrez 10 planches du «Sculpteur», un roman graphique qui revisite le mythe de Faust
BD•Les éditions Rue de Sèvres et «20 Minutes» ont le plaisir de vous présenter le nouvel album-évènement de l’américain Scott McCloud...Olivier Mimran
Dix-sept ans que Scott McCloud n’avait plus dessiné (excepté une BD promotionnelle pour Google Chrome en 2008)! Autant dire que son nouvel album était plus qu’attendu. Il faut dire que si cet américain est l’un des auteurs de comics les plus emblématiques de sa génération, c’est essentiellement pour des ouvrages -illustrés, tout de même- consacrés aux théories appliquées à son médium («L'Art invisible, lire la BD» en 1193, «Réinventer la BD» en 2000 et «Faire de la BD» en 2006). 20 Minutes a demandé à Scott McCloud de nous parler de la fiction qui signe son «retour aux pinceaux» et qui cartonne déjà aux états-unis, où elle est sortie le mois dernier. Retrouvez son témoignage à la suite de la preview ci-dessous. Bonne lecture!
Résumé: David Smith consacre sa vie à l’Art… jusqu’à l’extrême. Grâce à un pacte avec le diable, le jeune artiste voit son rêve d’enfance réalisé: pouvoir sculpter tout ce qu’il souhaite, à mains nues. Mais ce pouvoir hors-norme ne vient pas sans prix à payer! Il ne lui reste que 200 jours à vivre, durant lesquels il devra s’escrimer à concevoir des oeuvres qui puissent lui survivre. Mais c’est loin d’être évident, surtout qu’il a, entre temps, rencontré l’amour de sa vie…
Une gloire éphémère
Avant de s’articuler autour d’un thème fantastique (le pacte avec le diable), Le Sculpteur dénonce l’hypocrisie d’une certaine scène artistique -ici, New-Yorkaise-, au coeur de laquelle les succès peuvent être aussi fulgurants qu’éphémères. Autrefois talent prometteur, David est désormais fauché comme les blés et son inspiration s’en ressent. «C’est peut-être qu’il ne comprend pas grand chose à l’Art», suggère Scott McCloud. «Il est juste terrifié à l’idée qu’on l’oublie, et il imagine que l’Art est le seul moyen “d’exister” en tant qu’être humain». Le malentendu est tel que le jeune homme renonce à l’essence-même de son humanité pour goûter à ce qu’il imagine être l’éternité.
Le mythe de Faust
En mettant en scène un jeune artiste raté qui scelle un pacte avec le mal, cette fiction s’inspire évidemment de l’éternel mythe de Faust. Et elle se termine de la même façon, tragique. «La différence, c’est que la disparition de David est semblable à celle que nous connaitrons tous», précise Scott McCloud: «dans la légende faustienne, la fin qui approche est synonyme d’espoir dans une “vie après la mort”. Alors que dans mon livre, plus ses jours sont comptés et plus la vie -et le pouvoir- de David gagnent en intensité». Faut-il que son désespoir soit total pour qu’à 26 ans, l’artiste mise tout sur son chant du cygne.
L'amour, toujours...
Signé par un aussi fin observateur des mécanismes de la BD, ce récit ne saurait se contenter d’une intrigue aussi manichéenne. C’est pourquoi s’y insinue ce «grain de sable» qu’est l’amour: résolu à occuper les 200 derniers jours de son existence à cet Art qu’il croit tant chérir, David rencontre l’Amour en la personne de Meg. «Parce que l’Amour et l’Art sont deux manières très différentes de répondre à l’inéluctabilité de la mort», précise Scott McCloud. «Pourtant, le premier comme le second -qui est souvent démésuré, inutile et un peu ridicule- permettent tous deux de se déterminer comme être humain.»
Art, Amour, mort… synthétiser ce pavé de 476 pages (toutes en bichromie de noir et bleu) à cette seule trinité serait trop réducteur. Comme tout roman graphique d’envergure, Le Sculpteur comprend une multitude de «récits dans le récit», empruntant ici au comic de super-héros (quand David utilise son pouvoir pour transformer la ville), là à la BD romantique (la relation passionnelle entre David et Meg rappelle parfois le magnifique Blankets, de Craig Thompson) etc. Et il n’est formellement pas en reste, tant par l’excellence de sa structure narrative, qui exploite avec intelligence le système du compte à rebours, que par celle de ses graphismes, qui jouent somptueusement avec ombres et lumières.
Des bulles à la toile
Du grand Art, en somme, qui n’a évidemment pas échappé à Hollywood: les studios Sony ont déjà acquis les droits d’adaptation du livre, qui sera confiée aux producteurs Scott Rudin (No Country for Old Men, The Grand Budapest Hotel) et Josh Bratman (Captain Phillips). «Ça ne m’a pas surpris parce qu’un récit en bande dessinée a toujours un potentiel cinématographique, même si on n’utilise pas les mêmes techniques», confesse Scott McCloud, avant d’avouer: «La nouvelle me réjouit… et m’effraie un peu en même temps».
«Le sculpteur», de Scott McCloud - éd. Rue de Sèvres, 25 euros