LITTERATUREAlzheimer, entre tragédie grecque et comédie dramatique

Alzheimer, entre tragédie grecque et comédie dramatique

LITTERATURECaroline Vié, journaliste cinéma à «20 Minutes», signe son second roman, «Dépendance Day»…
Caroline Vié signe des articles cinéma pour 20 Minutes et des romans bouleversants
Caroline Vié signe des articles cinéma pour 20 Minutes et des romans bouleversants - Marion Ruszniewski
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Elle ne peut pas s’en empêcher. Pour son second roman, Caroline Vié, journaliste cinéma à 20 Minutes, fait une référence au septième art. Dépendance Day (éditions JC Lattès) n’a pourtant que peu de choses en commun avec l’œuvre de Roland Emmerich. Morta, fille de Clotho, petite-fille de Lachésis, vit avec la peur de contracter, comme ses aïeules, la maladie d’Alzheimer. Clotho a dû interner et enterrer Lachésis. Morta doit un jour interner Clotho. Son jour viendra. Elle le sait. La tragédie familiale est implacable. Les noms exotiques des trois générations de femmes font référence aux Parques, divinités grecques qui tissent, et brisent, le fil du fragile destin des hommes. Par les temps qui courent, le destin préfère se fier à la génétique plutôt qu’aux Parques.

Comme dans son premier roman, Brioche, Caroline Vié prend la voix d’une narratrice sage, à la vie bien ordonnée entre œuvre d’écriture et vie de famille pareillement consciencieuses. Mais Morta, si elle est la descendante d’une lignée de femmes gentiment frappées, n’est pas la sociopathe de Brioche. Face à la maladie, elle s’en sort grâce à tout ce qui lui reste: la dignité. Face à la peur, elle succombe puis se ressaisit. Face à l’administration, face aux médecins, face aux mesquineries et aux humiliations, elle fait ce qu’elle peut. Une héroïne en somme.

L’humour noir pour y voir clair

Quand on connaît un peu Caroline Vié au-delà des ses textes littéraires ou pour 20 Minutes, on sait que cette fiction a une part autobiographique. On sait aussi que l’auteure a coutume de chroniquer les désespérantes déceptions et les grands drames de la vie en assénant des sentences pleines d’humour. «C’est l’avantage de perdre ses deux parents à quelques semaines d’intervalle», explique-t-elle à qui admire sa voiture flambant neuve.

Ses bons mots acides avaient déjà fait le piquant de son premier roman. Dans Dépendance Day, Caroline Vié se repose moins sur ses savoureux traits d’esprit délicieusement tordus, mais davantage sur ses qualités littéraires. C’est grâce à sa fine construction que le roman ne verse pas dans le tire-larme. L’humour noir n’y est pas une coquetterie, encore moins une élégance ou une politesse. Elle est polie la maladie peut-être? Caroline Vié se sert de l’humour pour regarder la tragédie en face.

Dans Brioche, l’auteure brossait quelques portraits du milieu du cinéma et de la critique. Dans Dépendance Day, c’est une famille qu’elle nous fait découvrir. Père et frère, les hommes ont leurs faiblesses mais ne s’en sortent pas si mal. Il y a aussi la meilleure amie, Véronique, qui agit parfois comme un filtre de lucidité pour Morta. Cet entourage dresse aussi le portrait bouleversant d’une héroïne et d’une auteure qui n’espèrent aucun soulagement, aucune catharsis.