Rone, prodige de l’électro française, s'entoure de «Créatures» magiques
MUSIQUE•A 34 ans, le musicien sort son troisième album, une œuvre intimiste, ludique et sensible...Joel Metreau
Rone, alias Erwan Castex, vient de sortir son troisième album sur le label Infiné. Cette œuvre intimiste et sensible offre à l'électro un supplément d'âme. Douce rêverie en solitaire ou voyage moelleux entre les strates synthétiques, ses Créatures s'apprivoisent avec délice. Retour en quatre temps sur un album foisonnant.
- Isolation
On avait découvert Rone par hasard en 2008. Sur un de ses premiers morceaux, Bora, il avait samplé un journal intime et sonore d’Alain Damasio, alors à l’écriture de son chef-d’œuvre, La Horde du contrevent. «Il faut que les gens soient extrêmement loin de toi, mais loin, parce que ton univers sera vaste, sera immense, sera énorme…», s’écriait l’écrivain. Des mots repris à son compte par Rone, pour l’écriture de son album Créatures, composé dans une maison dans la campagne environnant Dreux. Terminée, l’ambiance berlinoise qui l’a électrisé pendant trois ans. «C’est un album fait plus sereinement raconte Rone, à 20 Minutes. Le premier a été fait sans pression, je ne pensais pas en faire mon métier. Au deuxième, les gens attendaient le résultat de mon travail. Là, il me fallait retrouver cette sensation du début où je ne pensais pas aux autres.»
- Introspection
Papa est en haut, maman est en bas. «Toute la maison était envahie par Créatures, se souvient Rone. Je composais à l’étage, pendant que ma compagne dessinait la couverture dans son atelier. Au milieu, il y avait ma petite fille, Alice, qui passait d’une pièce à l’autre, j’ai enregistré sa voix sur plusieurs morceaux.» Il s'est coupé pendant trois mois du monde, évitant les chausse-trappes de la création: «Je sais éviter les pièges maintenant, comme trop intellectualiser la musique, alors qu'il faut la vivre de manière instinctive.» Créatures sonne davantage marqué par les empreintes en pointillé de l'artiste. Pour Rone, c'est son album «le plus intime», pourtant il n’a jamais autant invité autant d’artistes.
- Collaborations
A entendre Rone, ses invités ont été conviés «par surprise et au feeling». Il avait rencontré Bryce Dessner à Brooklyn? Voilà que le membre du groupe de rock indé américain The National prête sa guitare à plusieurs morceaux de Créatures. Bachar Mar-Khalifé lui compose un morceau. Etienne Daho prête sa voix à Mortelle: « Il m’a proposé un remix de En Surface. Je n’ai pas pu dire non. C’était intéressant de travailler avec la voix, cette matière-là.» Et puis il y a François Marry, magnifique sur Quitter la Ville: « François était venu me voir dans les loges à la fin d'un concert à Bordeaux, je ne le connaissais pas, on a bu des coups et on a échangé nos mails. Le lendemain, il avait écrit une chanson. Je l'ai mise de côté jusqu’à l’oublier. Et je suis retombé dessus par hasard.» Rone se méfiait jusqu'ici des collaborations. Mais il reconnaît: «C’est comme si tous ces gens m’avaient révélé à moi-même.»
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La Cigale, Paris 2015. #ronecreatures
La Cigale, Paris 2015. #ronecreatures
Une photo publiée par rone (@roneofficial) le 8 Févr. 2015 à 11h03 PST
- Exaltation
Rone se souvient de sa tournée américaine menée au pas de course l'an passé: «19 dates en 21 jours. C'était un vieux rêve, le fantasme de la tournée rock’n’roll, j’étais le seul Français dans un bus qui ressemblait au van de Breaking Bad», rigole-t-il. Il avoue être angoissé avant chaque live, mais la scène le transporte. Alors Créatures à peine sorti, il s’attelle déjà à sa transcription en concert, pour réinventer les morceaux. «Sur un an de tournée, ils vont évoluer, je vais les emmener ailleurs, je veux les accompagner par des lumières.» Pour le morceau Freaks, il imagine une atmosphère sombre, en référence au film éponyme des années 1930. La tournée promet d'être monstrueuse.