Le record de 200.000 visiteurs atteint en 2014 sera-t-il battu cette année? Même si les organisateurs du festival de bande dessinée le plus important d'Europe l'espèrent sans doute, ce sera le cadet des soucis d'une profession endeuillée par les attentats du 7 janvier. Et peut-être également celui des festivaliers, qui ne pourront pas ne pas remarquer combien cette 42e édition ne sera, à l'évidence, «pas comme les autres».

Une profusion d'hommages

«Même assombrie par le drame de Charlie, Angoulême doit rester la fête de la BD», nous déclarait récemment Franck Bondoux, délégué général de la manifestation. N'empêche que cette fête risque d'être plombée par la profusion d'hommages -légitimes- qui seront rendus aux victimes de Charlie: Attribution symbolique d'un Grand Prix «spécial» à la rédaction de Charlie Hebdo (parallèlement au Grand Prix qui ira, c'est la tradition, à un auteur de BD); création du «Prix de la liberté d'expression», normalement attribué aux artistes disparus dans l'attentat; inauguration d'une «place Charlie Hebdo», dont l'emplacement n'est pas encore connu; ouverture d'une exposition (conçue dans l'urgence) consacrée à Charlie Hebdo à la Cité de la Bande Dessinée, et un tas d'autres initiatives de par la ville…

Sous haute surveillance

Alors qu'il y règne d'ordinaire (pendant le festival) un esprit très bon enfant, les ruelles d'Angoulême risquent d'être, elles aussi, moins riantes en raison d'importants déploiements de sécurité (renforts de police et de gendarmerie, détecteurs de métaux, vidéo-surveillance accrue etc). Des mesures justifiées selon le préfet de la Charente, qui évoque «certains points sensibles» (une dessinatrice rescapée de Charlie Hebdo sera présente, notamment). Sans compter la probable présence de François Hollande et Fleur Pellerin à l'inauguration de l'expo Charlie.

Dans ces conditions, les réjouissances habituellement organisées à Angoulême se dérouleront évidemment de manière plus sobre. Occultées, l'absence de Bill Watterson (Grand Prix 2014, créateur des cultissimes Calvin et Hobbes) comme les venues de grandes «stars» de la BD telles Jirô Taniguchi, Juand Diaz Canales, Brian K. Vaughan etc. Reste que cette manifestation, unique en termes de participation de professionnels et de fréquentation, devra malgré tout aussi rendre hommage à ceux qui restent: scénaristes, dessinateurs, coloristes, tous ces artistes qui nous offrent du rêve… même lorsque la tendance est au cauchemar.