LITTERATURERentrée littéraire d'hiver: Trois romans à ne pas manquer

Rentrée littéraire d'hiver: Trois romans à ne pas manquer

LITTERATUREDominée par le hold-up de «Soumission» signé Michel Houellebecq, la rentrée littéraire verra 548 autres nouveautés investir les rayons des librairies d’ici à la fin février. Voici une première sélection...
Annabelle Laurent et Armelle Le Goff

Annabelle Laurent et Armelle Le Goff

Edouard Louis, Maylis de Kerangal ou Lola Lafon avaient fait sensation l'an dernier. Cette année, écrasée par la polémique autour de Soumission, un peu sonnée par l'attentat au siège de Charlie Hebdo, la rentrée littéraire d’hiver commence doucement. Voici trois romans à ne pas rater parmi les 548 attendus d’ici à la fin février.

Le Rimbaud des mathématiques

Que les allergiques aux maths se rassurent. C'est le destin fulgurant d'Evariste Galois (1811-1832), mathématicien de génie, que veut raconter François-Henri Désérable, 27 ans, remarqué en avril 2013 pour son recueil de nouvelles sur 1789 (Tu montreras ta tête au peuple) et joueur de hockey professionnel. Sans les équations qui vont avec, donc. «Il me faudrait la vulgarisation de la vulgarisation pour y piger quelque chose», avoue l'auteur. Cette vie terminée trop tôt dans un duel aux circonstances encore obscures, François-Henri Désérable a parfois été obligé de l'imaginer. Comme la scène à laquelle Evariste doit sa naissance, puisque «les sextapes, hélas, n’existaient pas». L’auteur mêle les mots d’aujourd’hui à ceux de l’époque, nous interpelle sans cesse, nous prend la main à travers le Paris des barricades, à la rencontre d’Alexandre Dumas, qu'Evariste côtoie pendant les journées révolutionnaires des Trois Glorieuses, Gérard de Nerval, qu’il rencontre en prison après avoir appelé au régicide, ou Stéphanie, son premier et seul amour, et on ne décroche pas de ce premier roman court, drôle et érudit.
Evariste, de François-Henri Désérable, Gallimard, 176 p., 16,90 euros.

Le disquaire désenchanté

On attendait son retour depuis Apocalypse bébé, paru en 2010. Virginie Despentes fait sensation avec une fresque générationnelle qui capture l'époque avec force et férocité. Vernon Subutex, qu'elle utilisait comme pseudo Facebook pendant des années, baptise désormais son héros, un ancien disquaire parisien quadragénaire qui a perdu sa boutique, puis son RSA et son appart', et traîne ses désillusions chez les uns et les autres. Une chance lui reste peut-être s’il obtient quelque chose des confessions-testament filmées que son ami le chanteur populaire Alex Bleach lui a confiées avant son overdose… et que le Tout-Paris cherche. Autour de ce fil rouge et de cet aspect polar s’emmêle une galaxie de personnages, plus d’une douzaine, de tous les milieux (musique, cinéma, journalisme, porno...) aux travers épinglés sans pitié. On passe d'une intimité à l'autre, il y a de la colère, beaucoup de désenchantement, autant d'empathie, et un style toujours aussi cru pour une comédie humaine qui laisse déjà dans l’attente du second tome à paraître en mars.
Vernon Subutex, de Virginie Despentes, Grasset, 400 pages, 19,90 euros.

La bonne mère de famille

Louise, la Mauvaise fille (son précédent livre aux Editions Stock) est devenue bonne mère. Bonne mère ou plutôt mère suffisamment bonne pour reprendre les termes de Donald Winnicott. En tout cas, une mère qui fait le pari de la gaieté. Pour oublier une enfance tourmentée, une adolescence triste et le grand chagrin d’amour de Rien de grave (Ed. Stock). Pour Louise, la famille est une bouée, «un paradis» écrit elle-même avant de se reprendre et de voir toute la tristesse qu’il y a, au fond, dans cet amour si exclusif. C’est l’exploration de cette ambivalence qui fait de La Gaieté un livre profondément touchant.
La Gaieté, de Justine Lévy, Editions Stock, 214 pages, 18 euros.