Jeff Koons ou l’œuvre gonflée au Centre Pompidou
EXPOSITION•Le Centre Pompidou à Paris consacre une grande rétrospective à l’artiste américain Jeff Koons...Benjamin Chapon
«Le public va pouvoir juger sur pièces.» Bernard Blistène, commissaire de la rétrospective que le Centre Pompidou consacre à Jeff Koons, sent bien qu’il va devoir défendre son exposition. L’artiste américain, considéré comme le plus cher du monde, suscite le scandale et le dédain. On le juge creux et uniquement motivé par le profit. On lui dénie le moindre propos artistique et le juge responsable de la bulle spéculative du marché de l’art contemporain. Bref, Jeff Koons est détesté.
>> L'exposition Koons en images...
La rétrospective du Centre Pompidou remet ses œuvres dans un contexte chronologique. «Il est d’une intelligence profonde, il connaît l’histoire de l’art et son fonctionnement, vante Bernard Blistène. Il a mené une réflexion sur le mode d’apparition des artistes et leur place dans la société. Mais s’il a cette lucidité sur lui-même, il ne le dit pas.»
«La fin du jugement de goût»
Des premières œuvres, critiques de la société de consommation à ses dernières sculptures, hommages ou détournements des grandes figures de la statuaire classique, Jeff Koons développe des obsessions. Le monde de l’enfance, les œuvres en miroir, la culture populaire… Son Balloon Dog géant en est l’incarnation parfaite, son chef-d’œuvre iconique.
«Ce qui choque ou surprend, c’est la perfection technique mise au service de sujets aussi dérisoires, l’hyperréalisme au service d’un univers de la plus pure illusion, explique Bernard Blistène. Dans ce paradoxe, il y a quelque chose de terrifiant. Mais Koons, c’est la fin du jugement de goût. Son œuvre nous dévoile de façon très violente notre relation à la possession, à la hiérarchie de classe de ces objets.»
«L’anti-bricolage»
Ses clichés pornographiques ou le détournement d’icônes pop comme Michael Jackson ou Popeye interpellent en effet par leur qualité plastique. «Pour réaliser ses œuvres, il résout des problèmes techniques impensables, l’idée de la perfection traverse toute l’exposition. Koons, c’est l’anti-bricolage. Son souci de perfection confine à l’absurde.»
Si tout le monde, ou presque, a déjà vu une photo d’une œuvre de Jeff Koons, se retrouver face à l’une d’entre elles est une expérience étonnante. Dommage que la plupart des œuvres soient issues de collections privées et donc très peu exposées.
Une stratégie et un discours
Jeff Koons interroge de façon cruelle notre regard en plaçant Beau et décoratif sur un même plan dans ses sculptures géantes. La hideur et la vacuité dénoncées par certains trouvent un sens grâce à cette rétrospective. Jeff Koons y apparaît presque humble, serviteur du dessein de l’art.
Bernard Blistène refuse de «faire le procès moral de Jeff Koons. Est-il dans la stratégie? Peut-être. C’est un grand communicant, c’est certain mais il n’est pas le premier. Il ne recherche jamais autre chose qu’à être maître de son langage et de son histoire. Il ne cherche pas à avoir raison mais à garder la sienne. Il a toujours tenu son discours avec une rigueur jamais démentie.»