Neil Gaiman: «Mon enfance n’était supportable qu’à l’idée que j’allais devenir adulte»
FANTASY•L’auteur britannique multi-récompensé sort en France «L’Océan au bout du chemin», un conte émouvant et très personnel, sur un enfant harcelé par une puissance malfaisante...Joel Metreau
L’enfance, une parenthèse d’insouciance? Pas pour Neil Gaiman qui n’éprouve aucune nostalgie pour cette période. Pourtant les contes imprègnent l’œuvre de cet auteur britannique de fantasy, l’un des plus réputés au monde, souvent adapté au cinéma (Stardust, Coraline…) et multi-récompensé. Pour exorciser les terreurs, il les métamorphose en histoires. Le «marchand de sable» devient sous sa plume de scénariste la série de comics Sandman. Plus récemment, quelques jours passés dans un camp de réfugiés syriens ont donné naissance à un pastiche de Hansel et Gretel. «Une version sur la famine, la guerre et ses conséquences, qui vient de sortir aux Etats-Unis», explique-t-il à 20 Minutes.
«Bâti à 100% sur mon passé»
De L’Océan au bout du chemin (Au Diable Vauvert, 18€), l’auteur ténébreux de 53 ans confie: «Il est bâti à 100% sur mon passé, mais n’est pas autobiographique.» A l’origine de ce livre vendu à 750 000 exemplaires aux Etats Unis et 250 000 au Royaume-Uni, un souvenir rapporté par son père: «Il m’a raconté qu’on avait un locataire qui venait d’Afrique du Sud avec plein d’argent et qui a tout flambé au casino. Il s’est suicidé.» Voilà le point de départ du récit dédicacé à «Amanda». Amanda Palmer, son extravagante épouse de 38 ans, qui fait carrière dans le punk cabaret.
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Une photo publiée par Joël Métreau (@jometro)
Une photo publiée par Joël Métreau (@jometro) le Oct. 10, 2014 at 7:57 PDT
«J’étais comme à la merci de géants»
Neil Gaiman se met à la hauteur du narrateur, un enfant de 7 ans qui vit avec sa famille dans une maison à la campagne. Après ce suicide, le héros assiste, sans pouvoir rien n’y faire, à l’invasion de son quotidien par une force malfaisante. «Je voulais dépeindre un portrait rigoureux de l’impuissance. Montrer comment les enfants ont si peu de pouvoir, comment le monde adulte est, pour eux, aussi mystérieux qu’un monde magique.» Et rien ne trouve moins grâce à ses oreilles que l’expression «les jours les plus heureux de ma vie» au sujet de l'enfance. «Je n’y ai jamais cru. Si on m’avait dit ça, enfant, j’aurais envisagé le suicide», balance-t-il sans ironie. «Mon enfance n’était supportable qu’à l’idée que j’allais devenir adulte», poursuit-il. Heureusement pour le protagoniste du roman, dans la ferme voisine, un trio de femmes veille sur le garçon, comme les trois fées sur la Belle au bois dormant.
L’Océan au bout du chemin cherche encore son réalisateur pour passer sur grand écran. Neil Gaiman imagine un «film à petit budget, pas à la Spielberg». On lui demande quels metteurs en scène. Il lâche le nom du Français Jean-Pierre Jeunet. On lui suggère Hayao Miyazaki, avec qui il partage le goût du merveilleux. Car l'écrivain a contribué à faire connaître le Japonais aux Etats-Unis en travaillant sur le sous-titrage de Princesse Mononoké. «C’est Tarantino qui avait recommandé mon nom au producteur Harvey Weinstein. Ils m’ont envoyé en avion à L.A., j’ai vu le film et j'en suis tombé amoureux», se souvient-il. En attendant, c’est le projet de série fantastique inspiré de son chef-d’œuvre American Gods qui est le plus avancé.