Daniel Boulanger, prix Goncourt 1974, est décédé
Auteur, acteur et scénariste, il est mort à l'âge de 92 ans...Anne Demoulin
Personnage balzacien, trapu, crâne rasé et regard bleu acier, Boulanger dissimulait derrière des allures brutales, faussement sanguines, la virtuosité d'un romancier au style limpide et drôle et la malice d'un poète minimaliste. Auteur, acteur et scénariste, Daniel Boulanger est mort à l’âge de 92 ans ce mardi. Auteur d’une vingtaine de romans, mais aussi de nombreux recueils de nouvelles et de poésie, il fut membre de l'Académie Goncourt de 1983 à 2008.
Il avait remporté le prix Goncourt en 1974 avec sa nouvelle Fouette cocher !. Acteur chez François Truffaut, Jean-Luc Godard, ou encore Claude Chabrol, Daniel Boulanger fut également le scénariste de nombreux films d'Alain Corneau, de Philippe de Broca et de Claude Chabrol.
Un résistant
Né le 24 janvier 1922 à Compiègne (Oise) dans une famille originaire des Flandres, il étudie au séminaire, puis rejoint la Résistance pour des opérations de sabotage contre l'armée allemande.
Grand voyageur, on le trouve ensuite au Brésil, puis il exerce comme fonctionnaire au Tchad. Mais sa carrière littéraire commence dans les années 1950 avec ses premières nouvelles publiées dans des revues comme Les temps modernes et La nouvelle revue française.
Il enchaîne ensuite à raison d'un livre par an: L'ombre (1959), Le gouverneur polygame (1960), La porte noire (1961)...
Une écriture charnue, chantante, qui fleure la province, le situe d'emblée dans la lignée d'Alexandre Vialatte ou de Raymond Queneau.
«Je suis un homme qui écrit et cherche à aller au-delà du secret d'autrui, explique-t-il alors. C'est ma façon de rêver». Il obtient le Prix de l'Académie française pour Vessies et lanternes (1971).
Son oeuvre littéraire s'est souvent intéressée aux humbles à qui il trouve des richesses inexploitées. Son premier roman, La rue froide, est paru en 1958.
D'abord proche du Nouveau roman, il s'en éloigne pour le genre de la nouvelle, peu prisé en France, avec une précision du langage, un sens aigu de l'observation, qui font de chacun de ses textes un portrait tendre et profond des individus.
«S'empêcher de mourir»
Loin du notable des lettres, Daniel Boulanger a été aussi dès le départ de l'aventure de la Nouvelle vague qui a bousculé le vieux cinéma français.
Il collabore en 1959 à A bout de souffle, de Jean-Luc Godard, puis à Tirez sur le pianiste (1960), de François Truffaut, deux films dans lesquels il joue les flics ou les truands aux allures de Chéri-Bibi.
Scénariste et dialoguiste à la mode, il est au générique des grands succès populaires des années 1960 avec Jean-Paul Belmondo tels que L'homme de Rio ou Cartouche, comme des premiers films de Jean-Paul Rappeneau (La vie de château, 1965) ou de Louis Malle (Le voleur, 1967).
A la fin des années 1980, l'écrivain délicat, père de sept enfants, cessera pourtant de se disperser pour ne plus se consacrer qu'à l'écriture.
La critique salue alors le travail d'orfèvre de l'auteur de Table d'hôte (1982), du Miroitier (1996) ou de Talbard (1998). Des récits et nouvelles qui évoquent la patte de Georges Simenon et les films de Claude Chabrol, dont il tisse la trame provinciale dans sa grande maison de Senlis.
«Le monde que je décris est un monde qui s'en va. C'est insensé la vitesse à laquelle il change. Remarquez, ça n'a rien de nostalgique, je ne me complais pas dans le passé», expliquait-il. Ecrire, «c'est s'empêcher de mourir».