MUSIQUECecilia Bartoli redonne vie et voix à des compositeurs oubliés

Cecilia Bartoli redonne vie et voix à des compositeurs oubliés

MUSIQUELa chanteuse lyrique est allée rechercher des œuvres méconnues de compositeurs italiens émigrés à Saint Pétersbourg au XVIIIe siècle…
Benjamin Chapon

Benjamin Chapon

Ces œuvres-là, plus personne ne les a entendues depuis 300 ans. Cecilia Bartoli, star absolue du monde lyrique, est allée à la recherche d’œuvres de compositeurs italiens émigrés au XVIIIe siècle à Saint Pétersbourg.

Raupach, Araia, Manfredini, Cimarosa… Parfaits inconnus y compris pour les spécialistes, ils ont, en leur temps, répondu à l’invitation des tsarines de Russie. «Pour eux, c’était un vrai saut dans l’inconnu. Saint Pétersbourg, c’était le bout du monde.»

Si l’histoire de ces compositeurs italiens est connue, leur production musicale, elle, est inconnue. «Les partitions appartenaient à la cour et n’ont jamais quitté la bibliothèque impériale de Saint Pétersbourg. J’étais curieuse de les voir. Alors voilà la Bartoli en route pour la Russie!»

Sur la mer gelée puis un océan de papier

La chanteuse lyrique raconte avec gourmandise son premier voyage pour Saint Pétersbourg, en février, dans un bateau brise-glace: «Je ne voulais pas venir en avion, parce que je voulais ressentir la distance.» Arrivée sur place, elle trouve porte close devant la bibliothèque du Mariinsky fermée pour travaux. «Je ne m’étais pas annoncée… C’était un peu naïf.»

Avec l’aide précieuse des autorités musicales russes et de Valery Gergiev, chef de la bibliothèque, Cecilia Bartoli finit par dénicher des centaines de pages. «C’est le baroque russe! Même si les compositeurs sont italiens ou allemands, il s’agit de musique infusée par l’âme russe, écrite en russe, pour des souverains et un public russes.»

Bartoli et la musique fraîche

Depuis une vingtaine d’années, Cecilia Bartoli s’est fait une spécialité de dénicher des répertoires méconnus. Avant même d’avoir la stature de star, la chanteuse a ainsi enregistré, dans les années 1990, des œuvres de Vivaldi, à une époque où le compositeur, sorti des Quatre Saisons, était largement ignoré.

«Je pourrais aligner les albums de chants de Noël, rigole la chanteuse. Le problème des chanteurs lyriques, c’est qu’on n’a pas de compositeurs vivants pour nous écrire de la musique. On a perdu le contact avec les compositeurs, à la différence de la pop. Moi, je continue de chercher de la musique fraîche.»

Consciente également que son histoire d’enquête en Russie constitue un bon plan marketing pour son nouveau disque, Cecilia Bartoli assume également l’humour, le second degré. «Je viens de l’opéra, j’aime les déguisements et m’habiller à la mode russe m’amuse. Je chante pour la première fois en russe aussi. Et en même temps, je trouve ça intéressant de rappeler qu’à une époque, l’art était un moyen d’ouverture sur le monde. Saint Pétersbourg était une fenêtre sur l’Europe.»