Claude Monet: La première impression était la bonne
EXPOSITION•«Impression, soleil levant», le plus célèbre des tableaux de Claude Monet, était entouré de bien des mystères, que le musée Marmottan est parvenu à percer...Stéphane Leblanc
«Impression, soleil levant». Le tableau a donné son nom à l’impressionnisme et pourtant le fleuron des collections du Musée Marmottan Monet, à Paris, est une œuvre bercée de mystères. Claude Monet l’a-t-il vraiment peinte au lever du soleil et à quelle date? L’exposition qui retrace son histoire ne compte qu’une soixantaine d’œuvres, mais répond de manière inédite à ces questions.
Tout a commencé en 1874, quand Impression, soleil levant, exposé pour la première fois en public, «inspire au critique Louis Leroy, du journal satirique Le Charivari, le terme impressionniste», rappelle Marianne Mathieu, commissaire de l’exposition et responsable des collections du musée Marmottan Monet.
Rebaptisé «Impression, soleil couchant»
Si le terme impressionniste se diffuse rapidement, la toile elle-même, de taille modeste (65x50cm), tombe dans l’oubli. «En mai 1874, le collectionneur Ernest Hoschedé l’acquiert pour 800 francs. Le tableau est revendu quatre ans plus tard, 210 francs dans l’indifférence générale et sous le titre… Impression, soleil couchant!» Un titre qui lui collera à la peau jusqu’en 1965.
Dix ans plus tard, l’auteur du catalogue raisonné de l’œuvre de Monet, Daniel Wildenstein, date Impression, soleil levant du printemps 1873, bien qu’elle soit signée «Monet 72», car c’était à l’époque la seule date avérée d’un séjour de Monet en Normandie. Comme si le peintre avait pu se tromper.
«Il n'y a pas d'invention chez Monet»
L’historien de l’art Dominique Lobstein, second commissaire de l’exposition, n’y croit pas: «Il n’y a pas d’invention chez Monet. Pas plus dans sa peinture, qui est un reflet stylisé mais précis de la réalité, que dans ses titres ou ses signatures». Encore fallait-il le prouver, à travers une investigation à la fois historique, topographique et astronomique. En considérant le point de vue du peintre sur le port du Havre à partir des fenêtres de ce qui devait être son hôtel, les horaires des marées et les observations météo relevées entre l’automne 1872 et le printemps 1873.
Premier verdict: «Si notre analyse est correcte, estime l’astrophysicien Donald W. Olson, nous pouvons écarter deux opinions dominantes: Impression, soleil levant ne dépeint pas un coucher de soleil, et l’œuvre n’a pas été peinte au printemps 1873.» Vu l’état du ciel, la marée haute et les reflets du soleil, les deux commissaires estiment que sur les six dates potentielles retenues par l’astrophysicien, «la plus probable est le 13 novembre 1872 vers 7h35 du matin»…