Rentrée littéraire: On a lu... «Autour du monde» de Laurent Mauvignier
RENTREE LITTERAIRE (9/10)•Il est l'un des 10 auteurs les plus attendus de la rentrée littéraire: Laurent Mauvignier signe un roman choral, avec le tsunami au Japon de mars 2011 comme toile de fond...David Blanchard
On lit d’abord Laurent Mauvignier pour son style. Le rythme de ses phrases, sa capacité à mettre en scène les dialogues font une nouvelle fois le charme de son dernier roman, qui emmène le lecteur dans un voyage autour du monde, en mars 2011. La date du tsunami au Japon, qui fit 18.000 morts et disparus, est le seul point commun des personnages.
>> Retrouvez par ici nos lectures de «L’amour et les forêts» d’Eric Reinhardt, «Peine Perdue» d’Olivier Adam, «Charlotte» de David Foenkinos, «Viva» de Patrick Deville, «Pétronille» d’Amélie Nothomb, «Oona & Salinger» de Frédéric Beigbeder, «Le Royaume» d’Emmanuel Carrère et «Un monde flamboyant» de Siri Hustvedt. Et pour conclure notre série des têtes d’affiche, bientôt sur 20 Minutes: Haruki Murakami.
La première phrase: «Quelle heure peut-il être chez moi? se demande Guillermo, histoire de ne pas rester sans rien faire ni attendre encore alors que dehors, de l’autre côté de la vitre, l’image de cette fille se mêle aux reflets du comptoir, avec les pans entiers du miroir et les néons jaunes et roses qui dessinent dans le gris du ciel, comme des peintures suspendues au vide.»
En trois mots: Laurent Mauvignier confronte différents destins de voyageurs. Leur seul point commun: la date du 11 mars 2011.
Le pitch: On commence avec Guillermo, un jeune Mexicain en voyage au Japon, et son amour de vacances, Yûko. Les deux amants se rendent au mauvais endroit, au mauvais moment, puisqu’un tsunami va frapper les côtes du Japon, où ils se sont réfugiés pour quelques heures. Puis, tout au long des 400 pages que compte son roman, Mauvignier confronte les trajectoires: celles de deux couples d’Australiens en Tanzanie, ou de deux vieux amis italiens, qui s’apprêtent à se rendre en Slovénie. Quatorze en tout. Chacun raconte son histoire, et son voyage, rarement épanouissant.
On lit… ou pas? La force de Mauvignier, c’est son style. Il sait écrire, décrire, et dialoguer, et ce n’est pas si courant dans la littérature contemporaine. Le problème d’Autour du monde, c’est qu’on peine à se passionner pour tous les personnages. Au fil des pages, l’ennui gagne. Certaines histoires auraient mérité d’être coupées, voir supprimées, pour densifier son roman.
>> Par ici, toute la rentrée littéraire sur «20 Minutes»
L’anecdote: S’il y a un fort courant d’autofiction chez les auteurs français, Mauvignier a, lui, pour spécialité de s’appuyer sur des catastrophes ayant marqué leur époque. Il a ainsi signé Dans la foule autour du drame du Heysel, un stade bruxellois où 39 supporters de la Juventus Turin sont morts un soir de finale de coupe d’Europe, victimes des hooligans de Liverpool. Dans Des hommes, il raconte la guerre d’Algérie au travers des destins brisés de jeunes appelés. Cette fois, c’est donc le tsunami japonais qui l’a inspiré.
L’enjeu: Au côté de poids lourds attendus (Adam, Begbeider, Carrère…), Mauvignier trace un sillon original chez les romanciers français, celui d’un styliste plus que d’un conteur. Mais on n’en fera pas le favori des prix.
Un bon livre pour… Ceux qui aiment prendre le temps d’apprécier le rythme des phrases, et les recueils de nouvelles. Au final, ce Mauvignier ressemble plus à une addition d’histoires courtes.
Un mauvais livre pour… Ceux qui aiment qu’on leur raconte une histoire, avec un début, un milieu et une fin.
Autour du monde, Les éditions de minuit, 372 pages. Sortie le 4 septembre 2014.