Un documentaire plonge au cœur du «califat» des jihadistes en Syrie et Irak
DOCUMENTAIRE•Un journaliste de Vice News a suivi durant trois semaines le groupe ultra-radical sunnite de l'Etat islamique...20 Minutes avec AFP
«Tu veux être jihadiste ou mener une opération de martyr»? Dans le «califat» récemment proclamé par les jihadistes en Syrie et en Irak, les enfants sont embrigadés très jeunes, et la charia imposée les armes à la main, selon un documentaire offrant l'un des premiers aperçus de la vie dans sa «capitale» Racca. Ce documentaire en cinq parties tourné par un journaliste anglo-palestinien Medyan Dairieh, a été diffusé jeudi dans son intégralité sur le site d'informations Vice News, basé à New York.
Dès le début le ton est donné: «la Charia ne peut être établie qu'avec des armes», explique un interlocuteur au journaliste qui a suivi durant trois semaines le groupe ultra-radical sunnite de l'Etat islamique (EI), et a obtenu, selon Vice News, «un accès sans précédent au groupe en Irak et en Syrie».
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Corps abandonnés sur un trottoir, têtes accrochées à des piquets
A Racca, des jihadistes armés jusqu'aux dents paradent donc joyeusement sur des chars américains volés à l'armée irakienne, et la police religieuse patrouille fusil d'assaut en bandoulière. Elle ordonne à un commerçant d'enlever un poster montrant des «infidèles». A un mari, de faire changer le tissu du voile de sa femme. «Ceux qui n'obéissent pas seront forcés», explique Abou Obida, le chef des patrouilleurs.
Un homme accusé de meurtre a été crucifié, exposé en public. Les corps de soldats syriens de la 17e division tués par les jihadistes lors d'une récente offensive sont abandonnés sur un trottoir, leur tête accrochée à des piquets. Des prisonniers assis par terre racontent qu'ils seront battus pour avoir vendu ou consommé de l'alcool, l'un d'eux se dit heureux de s'être repenti.
«Pour combattre les Russes... euh, l'Amérique»
Des garçons de neuf, 11 et 14 ans, expliquent qu'ils veulent combattre pour tuer les «infidèles». Celui de neuf ans dit partir prochainement dans un camp d'entraînement à la kalachnikov «pour combattre les Russes... euh, l'Amérique». «Tu veux être jihadiste ou mener une opération de martyr?», demande à un petit garçon de six ans présenté comme son fils, un homme venant de Belgique et identifié comme Abdullah le Belge. «Jihadiste», répond l'enfant qui, pressé de questions, explique que les infidèles «tuent les musulmans».
En dessous de 15 ans, des camps sont organisés pour leur apprendre la charia. Dès 16 ans, les garçons peuvent participer aux opérations militaires, explique le porte-parole de l'EI, Abou Mosa. «Nous croyons que cette génération d'enfants est une génération du califat, qui combattra les infidèles et les apostats, les Américains et leurs alliés. La bonne doctrine leur a été inculquée. Tous veulent se battre pour l'Etat islamique», explique un homme alors que les gamins se baignent dans l'Euphrate.
Présence médiatique rare
Après une offensive fulgurante, l'EI, accusé de nombreuses atrocités, a proclamé fin juin un «califat» sur les territoires qu'il contrôle, du nord de la Syrie à l'est de l'Irak. Des centaines de milliers de personnes ont été jetées sur les routes par cette offensive.
Depuis une dizaine de jours, les jihadistes ont avancé vers le Kurdistan autonome, chassant des dizaines de milliers de membres des minorités chrétienne et yazidie (minorité kurdophone et non musulmane) de leurs villes, à Sinjar et Qaraqosh notamment.
Rarissimes sont les médias qui se sont rendus sur place, pour des raisons de sécurité. Un reportage du New York Times le mois dernier n'identifiait ni son auteur, ni les personnes auxquelles il avait parlé. Selon Kevin Sutcliffe, responsable de Vice News Europe, Dairieh serait la seule personne que les jihadistes «ont laissé entrer pour une telle durée».
Vice News, partie du groupe multimédia Vice, a été créée en décembre dernier, «pour et par une génération connectée», et revendique un «regard sans fard sur certains des événements les plus importants de notre temps». Vice s'était notamment fait remarquer en 2013 en envoyant l'ancien basketteur Dennis Rodman jouer en Corée du Nord.