On s'est baladé dans Paris avec Douglas Kennedy:
CULTURE•A l’occasion du Salon du Livre et pour la sortie de son recueil de nouvelles, l’auteur américain chouchou des Français rencontrait quelques privilégiés ce dimanche à bord d'un bus à travers Paris. «20 Minutes» était présent…Annabelle Laurent
Douglas Kennedy, l’homme qui voulait vivre sa vie à Paris. Mais à Londres, aussi. Et à Berlin. Et aux Etats-Unis, entre le Maine et New York. Bref, un peu partout. Toujours en transit entre son pays et ses trois d'adoption, l’Américain achève à Paris une semaine de promotion-marathon de son dernier livre à travers la France. Histoire de poursuivre le voyage, c’est à bord d’un vieux bus des années 1930 qu’il rencontrait ce dimanche une vingtaine de ses lecteurs pour une heure de «balade littéraire» à travers Paris. Point d'arrivée du parcours: le Salon du Livre, bien sûr.
Une hypothèse
«J’ai une hypothèse au sujet de la vie: tout est supportable, y compris les relations intimes, tant qu’il y a un billet aller/retour», lance Douglas Kennedy dans un français parfait - merci aux «huit ans de cours privé, quatre fois par semaine» - à son auditoire très féminin, alors que défilent à travers les fenêtres la Tour Eiffel ou les Invalides. «Ce n’est pas une vie pour tous, mais pour moi, ça marche», reconnaît l’auteur de 59 ans dont on connaît la prédilection pour le thème du quotidien et ses dangers, et de «notre besoin compulsif de nous boucler dans des prisons personnelles».
La routine, l’ennui, l’usure. La fuite, le hasard des rencontres, la vie qui bascule. Les obsessions de Douglas Kennedy depuis Cul-de-Sac (1994) sont à nouveau explorées dans Murmurer à l’oreille des femmes, paru le 27 février chez Belfond. Un recueil de nouvelles, son premier, à partir de textes déjà parus dans des magazines. Douze personnages traversent les obstacles de la vie de couple, et le titre, plutôt tendre, est bien traître, tant tout, chaque fois, s’effondre, sans guère d'espoir - l'auteur a lui-même divorcé en 2009 après 25 ans de mariage. C'est amer mais souvent drôle et savoureux, et les fans le liront avec plaisir en attendant le prochain roman, un polar dont l'intrigue se tiendra au Maroc, a annoncé l'auteur.
«J’ai lu tous ses livres»
Si dans ces 12 nouvelles les histoires d’amour finissent toujours mal, celle de l’auteur avec ses lecteurs français survit elle vaillamment aux années, depuis le succès phénoménal de L'homme qui voulait vivre sa vie en 1998. L’auteur a vendu sept à huit millions de livres dans le monde, dont trois millions en France. Depuis plusieurs années, pas un Salon du livre sans «Douglas». Au terme de la rencontre, Marlène, l’une des passagères s’avance pour lui faire signer un livre… Un de plus. «J’ai lu tous ses livres. Chaque année, je viens lui en faire dédicacer un nouveau! Je n’ai aucune lassitude. Certains disent que c’est des roman de gare, c’est complètement faux. Ils font réfléchir, et à plusieurs niveaux».
Pour ménager l'impatience des lecteurs comme Marlène, Douglas Kennedy se plie à une discipline stricte: deux pages par jour, minimum. Peu importe où. «Là, j’ai un ordinateur dans mon sac et après le Salon, je vais trouver un café pour écrire deux heures avant le dîner». L’autre jour, c'était dans les bouchons. «Dans un taxi, entre Radio France et chez moi. J’écris dans le métro aussi!»
Douglas face au Paris bobo
Ni le public ni lui ne commente finalement le paysage qui défile. «A Paris, je vis en dehors des cartes postales», assure l'auteur, à l'écoute de ses lecteurs mais vraisembablement tendu par son emploi du temps hyper-chargé. Après avoir eu longtemps un pied-à-terre dans le VIème arrondissement, il vit depuis des années près du quai de Jemmapes, d’où il observe «la boboïsation». «Le quartier a complètement changé. Quand la première filiale d’Agnès B est arrivée, j’ai dit à un voisin: "Là, c’est le début de la fin"!». Le public s'amuse du degré de parisianisme de son auteur fétiche, qui en retour savoure son succès auprès des Français.
Et ce d'autant plus qu'il n'a longtemps pas eu d'éditeurs chez lui, aux Etats-Unis, ce qui a été pour lui «très dur». Il cite «une blague new-yorkaise»: «En France, tous les écrivains sont importants. Aux Etats-Unis, tous les écrivains à succès sont importants. En Angleterre, quand tu dis que tu écrivain, la réponse c’est: "et alors?"». De l'utilité de profiter des trois pays à la fois.