LITTERATURE«Je m'accuse»: Sotheby's exhume le brouillon des excuses de Gide à Proust

«Je m'accuse»: Sotheby's exhume le brouillon des excuses de Gide à Proust

LITTERATURELe brouillon de la célèbre lettre dans laquelle André Gide s'excuse auprès de Marcel Proust d'avoir refusé son manuscrit est proposé à la vente ce mardi chez Sotheby's...
André Gide (1869-1951)
André Gide (1869-1951) - UNIVERSAL PHOTO/SIPA
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

Lycéen, Du côté de chez Swann vous est tombé des mains? De celles d'André Gide aussi, mais lui était directeur de la Nouvelle Revue Française (NRF), futures éditions Gallimard. Il a refusé le manuscrit, et ne se l’est jamais pardonné. Ce remord, l’un «des plus cuisants» de sa vie, il le confesse dans «Je m’accuse», la célébrissime lettre d’excuses de la littérature française envoyée à Marcel Proust en janvier 1914. C’était il y a cent ans. Pour l’occasion, Sotheby’s propose ce mardi aux enchères un document exceptionnel: le brouillon de la lettre. Avec ses ratures, et ses passages inconnus jusqu’alors.

«Gide est totalement sincère»

«Ce qui est étonnant, c’est qu’il est totalement sincère. Ensuite, il va s’autocensurer, explique à 20 Minutes Anne Heilbronn, directrice du département des livres et manuscrits chez Sotheby's, qui confie avoir eu «un choc» en découvrant le brouillon. Gide ne se pardonnait rien. «On vous aura appris à me mépriser», écrit-il par exemple avant de le barrer. On comprend aussi ce qui a suffi à le décourager: page 62, le passage de la «tasse de camomille» qu’est la scène de la madeleine, puis une phrase obscure («le front où des vertèbres transparaissent») page 64.

«A l’époque, la NRF est une toute petite revue française, Gide voit Proust comme quelqu’un de mondain, qui écrit dans "Le Figaro". Il lit quelques phrases qu’il ne comprend pas, et abandonne», poursuit Anne Heilbronn.

Le brouillon estimé entre 100.000 et 150.000 euros

Un an plus tard, il lit à nouveau le roman, attentivement, cette fois, et écrit dans la lettre: «Mon cher Proust. Depuis quelques jours je ne quitte plus votre livre; je m'en sursature avec délices, je m'y vautre».

Gide cherchera ensuite à reconquérir l'écrivain, parti chez Grasset. Gaston Gallimard y parvient en 1916, le deuxième tome de La Recherche du temps perdu, A l'ombre des jeunes filles en fleurs, paraît chez Gallimard en 1918 et décroche le Goncourt en 1919. Chez Sotheby's, le brouillon est estimé entre 100.000 et 150.000 euros.