Raoul Cauvin passera sa pré-retraite à buller
BD•Le monde des petits Mickeys n'est pas épargné par les rumeurs. L'une d'elle annonçant la retraite de Raoul Cauvin -scénariste belge dont plus de cinquante millions d'albums ont été vendus!-, 20 Minutes a interrogé l'intéressé...Olivier Mimran
53 ans de carrière, 25 séries créées et plus de 50 millions d’albums vendus… Vous allez jouir d’une retraite bien méritée?
Et bien non, figurez-vous! Je prends ma pension mais… je n’arrête pas d’écrire des scénarii pour autant! Cette fausse information est née d’une erreur de communication en Belgique: C’est une chaîne de télévision qui a annoncé « Cauvin chez Dupuis, c’est fini ». Ce que d’autres chaînes ont interprété comme l’annonce de ma retraite. Bref, on croit aussi en Belgique que j’arrête de travailler. Mais il n’en est pas question (rires).
C’est un gag que vous auriez pu écrire?
Je n’aurais jamais osé, même si ce genre de choses ne peut arriver qu’à moi (rires). Rendez-vous compte qu’un copain, paniqué, m’a téléphoné pour s’assurer que je n’étais pas mort! La réalité, c’est qu’avant, j’allais aux éditions Dupuis plusieurs fois par semaine. C’est ça, qui est terminé. J’ai eu peur qu’un jour prochain, on découvre un petit tas de cendres dans mon bureau (rires). Mais je vais continuer à travailler sur tout, sur Les tuniques bleues et sur Cédric, Pierre Tombal, Les femmes en blanc, Les psy, L’agent 212 etc. Finalement, rien ne change, sinon mes habitudes matérielles.
Au moins, ça fait parler de vous. Ça doit être frustrant de rester dans l’ombre quand on a vendu autant d’albums?
Quelle importance? Quand je regarde derrière moi, je suis heureux d’avoir pu exercer ma passion toute ma vie. Alors je vous jure que ça ne me dérange pas de ne pas être célébré. Au contraire, même, parce que quand on vous met en lumière, on peut aussi vite vous éteindre. Je suis juste satisfait et heureux de savoir que j’ai amusé, touché, passionné cinquante millions de lecteurs. Mais c’est tout.
Cauvin «assailli» par ses personnages - ® François Walthéry & éd. Dupuis
C’est aussi l’occasion de regarder en arrière, de faire un point sur votre carrière?
Effectivement. Et de constater que quand on a vécu l’âge d’or de la BD franco-belge (les années 1960-70) et côtoyé des gens aussi extraordinaires que Roba, Franquin etc -d’une gentillesse et d’une humilité incroyables- on peut mourir heureux. Enfin, pour ça, je compte bien prendre mon temps (rires).
Vous avez aussi dû constater combien le métier de scénariste, jadis décrié, a évolué?
Absolument: les très bons scénaristes sont aujourd’hui très recherchés, parce qu’une bonne histoire sauve un mauvais dessin alors que l’inverse est faux! Mais c’est aussi valable pour le théatre, le cinéma etc. Quant à la bande dessinée en général, c'est terrible combien elle a changé! Je ne parlerai pas des histoires car je ne serais pas objectif. Mais le dessin! Je respecte tous les dessinateurs et leurs modes d’expression, mais bon, dans le temps, les graphismes étaient lêchés, les phylactères bien calligraphiés etc. Maintenant, on peut tomber sur des albums illisibles! Il existe bien sûr des artistes extraordinaires, mais il sort quand même énormément d’albums minables.
Cruel constat !
Le plus cruel, c’est que je deviens comme mon père, qui écoutait du Tino Rossi alors que je trouvais ça nul. Maintenant, c’est moi qui encense les anciens alors je trouverais normal que les plus jeunes me trouvent nul (rires).
Quels sont vos projets de «vrai-faux pré-retraité»?
Continuer à servir le plus longtemps possibles mes séries. Mais je travaille aussi sur un one-shot réaliste, et c’est une grande première pour moi, un vieux rêve. Je n’ai pas encore choisi de dessinateur, j’attends d’être satisfait de ce scénario. Mais c’est très excitant, j’ai l’impression de rentrer de nouveau dans la peau d’un débutant.