«Kontakthof» de Pina Bausch: L’art émouvant de dévoiler ses sentiments

«Kontakthof» de Pina Bausch: L’art émouvant de dévoiler ses sentiments

DANSE-Le Tanztheater Wuppertal reprend Kontakthof jusqu’au 21 juin au théâtre de la Ville à Paris… Et si la pièce de Pina Bausch est devenue culte, ce n’est pas seulement parce qu’on l’a vue souvent ces derniers temps au cinéma...
Stéphane Leblanc

Stéphane Leblanc

De quoi parle Kontakthof ? «D’un lieu où l’on se rencontre pour lier des contacts, se montrer, se défendre, avec ses peurs, ses ardeurs, déceptions, désespoirs, premières expériences, premières tentatives. De la tendresse, et de ce qu’elle peut faire naître», expliquait Pina Bausch (1940-2009), chorégraphe allemande qui a bouleversé la danse contemporaine en y introduisant une théâtralité mêlée d'une humanité et d'un humour raffiné.

Une pièce touchante par ses maladresses

Au théâtre de la Ville, à Paris, la pièce est reprise jusqu’au 21 juin par 25 des 30 danseurs du Tanztheater, souvent vieillissants [lire encadré], mais touchants quand il s’agit de jouer, avec une élégance teintée de maladresse, les rapports de séduction entre hommes et femmes dans le décor grisonnant d’une salle de bal.

«Ce désir d’aimer et d’être aimé, c’est à chacun de nous sur scène de le vivre et à chacun de vous dans le public de le ressentir, en fonction de votre sensibilité et de votre expérience de la vie», explique à 20Minutes l'un des danseurs historique de la compagnie Dominique Mercy, 63 ans, qui a supervisé la reprise du spectacle.

Une pièce célébrée plusieurs fois au cinéma

Kontakthof n'a pas d'âge. Car voilà une œuvre qui traverse les générations depuis 35 ans. Le spectacle d’origine, créé en 1978, a été décliné en deux autres versions créées avec des amateurs : Kontakthof avec des personnes de plus de 65 ans et Kontakthof avec des jeunes de plus de 14 ans. Chantal Akerman a filmé le spectacle original en 1983 pour Un jour Pina a demandé. Puis Wim Wenders a filmé les trois versions en 2008 pour Pina 3D et celle avec les adolescents a fait l’objet d’un documentaire passionnant, Les rêves dansants.



«On a été extrêmement sollicité pour reprendre Kontakthof après la sortie de Pina et des Rêves dansants, assure Dominique Mercy. Les deux versions ont tourné plusieurs années, en remplaçant à plusieurs reprises une partie de la distribution. Et puis on a arrêté parce qu’au bout d’un moment, les adolescents ne sont plus des adolescents et travailler avec des amateurs demande énormément de temps.»

La première pièce qui révèle la personnalité des danseurs

C’est une pièce qui « révèle beaucoup de la personnalité des interprètes », selon Dominique Mercy. C’est effectivement la première fois que ce qui est exprimé par les danseurs (ce qui allait devenir la marque de fabrique des spectacles de Pina Bausch) prend le pas sur les parties dansées.

«Cela deviendra la base du travail de Pina, raconte Dominique Mercy: faire en sorte que chaque danseur se retrouve au plus près de lui-même, avec des éléments empruntés à sa propre histoire. Tout en conservant un visage qui n’exprime pas trop ses sentiments, une «poker face», comme elle disait. C’était sa façon d’éviter les stéréotypes.»



>>Arte consacrera une soirée à Pina Bausch le 26 juin sur Arte avec la diffusion du film Pina 3D, de Wim Wenders, suivi du spectacle Vollmond créé en 2006 et filmé également par le cinéaste allemand.

L’avenir incertain de la compagnie

Le danseur Lutz Förster, ancien de la compagnie et nouveau directeur du Tanztheater Wuppertal, a confié au Figaro son pessimisme quant à l'avenir de la compagnie, qui fête ses 40 ans l’an prochain…

«Nous sommes une compagnie de 30 danseurs avec des invités réguliers. Mais l'âge des danseurs au Tanztheater est très particulier: nous avons des danseurs de 30, 40, 50 et 60 ans. Certains dont la personnalité est indispensable pour certaines pièces… On a besoin de jeunes danseurs, mais comment les payer? […] La ville [de Wuppertal] n'a pas plus d'argent à nous donner, c'est déjà un miracle que nous puissions continuer…» Selon lui, la compagnie devra être portée dès 2015 par un nouveau concept «à définir d'ici là».

Le défi est triple, ajoute-t-il: «Premièrement, garder une partie du répertoire et travailler dans l'esprit de Pina Bausch […]. Deuxièmement, confier le répertoire à d'autres compagnies […]. Troisièmement, créer des choses nouvelles. Sur ce dernier point, inutile de parler de noms, mais j'ai un désir: retrouver l'esprit de courage qu'avait Pina à ses débuts. Trouver quelqu'un qui ose initier quelque chose.»