Streaming: Adieu la diversité musicale?
CULTURE•Le streaming est en pleine ascension. Mais pour certains, Spotify et Deezer, c'est avant tout «la dictature du mainstream» au détriment des catalogues fragiles...Annabelle Laurent
Le streaming est-il l’ennemi de la diversité musicale? Présenté par les producteurs comme un «levier de croissance indispensable» pour l’industrie musicale, est-il un coup de pouce pour tout le monde?. «Il y a des tas d’artistes qui ne profitent pas du streaming», regrette l’Adami, qui gère les droits des artistes. Même Rob Wells, président des activités numériques d'Universal Music, a émis des réserves au terme «d’analyses sur la valeur que les artistes peuvent tirer des services sur abonnement dans le monde», comme le signale Electron Libre. «Elles ont presque toutes démontré que certains genres et certains artistes voyaient cette valeur s’infléchir beaucoup plus rapidement que d’autres», assure Rob Wells.
«Certains genres»? Comprenez ceux qui ne sont pas «mainstream». Le jazz par exemple, perdu dans une masse de plus de 20 millions de titres dominée par Rihanna, Beyoncé and co. Le streaming promet de grandir de plus en plus, mais s’il ne sert qu’à renforcer les plus grands?
Protéger les répertoires fragiles
D’où la volonté de certains de se positionner sur des offres spécialisées sur les répertoires fragiles. «Spotify et Deezer, c’est la dictature du mainstream. L’avenir de la musique est à la segmentation», clame auprès de 20 Minutes Yves Riesel, le fondateur de la plate-forme de streaming Quobuz.
A contre-courant des offres de ses deux concurrents, «les géants du streaming», qui ne dépassent pas les 9,99 euros, Quobuz propose notamment le Hi-fi Classique, un abonnement à 19,99 euros dédié aux amateurs de musique classique et de qualité CD ou supérieure. «Spotify et Deezer viennent nous expliquer qu’avec 10 euros pour tout le monde, c’est massifié, et la musique est sauvée. Je pense qu’ils ont tort!» s’exclame Yves Riesel, également directeur du label Abeille Musique. «Ce qu’il faut, c’est sortir la musique des mains de ceux qui la considèrent comme un produit, comme s’ils étaient chez Procter et Gamble», lance Riesel, qui se félicite d’avoir chez Qobuz «dix disquaires qui, eux, comprennent la musique».
Spotify rattrape son retard sur la découverte
«Quand vous étiez un petit artiste et que les gros étaient en grande surface, vous n’étiez nulle part. Au contraire, chez nous, ils sont très représentés», rétorque à 20 Minutes Simon Baldeyrou, le DG de Deezer. Sa logique: «tendre à l’exhaustivité du moment qu’on sait guider nos utilisateurs dans l’immensité du catalogue».
A défaut de disquaires, Deezer et Spotify développent des applications et des logiciels permettant aux abonnés de mieux explorer les catalogues. Spotify, qui propose déjà, comme Deezer, des «radios» pour suggérer des nouveaux artistes à ses utilisateurs, a présenté fin décembre son prochain virage vers la découverte. «Ce qui manquait jusqu’à maintenant sur notre plate-forme», admet-on chez la petite start-up suédoise devenue grande.
Au programme: une nouvelle section baptisée «Découverte» entièrement dédiée à la recommandation de nouveaux artistes et morceaux, et une fonction «follow» pour suivre les artistes, avec l’idée que plus vous en suivrez, plus l’onglet «Découverte» sera précis dans ses recommandations. Actuellement en phase de test, ce nouvel algorithme sera «accessible à tout le monde d’ici la fin du premier trimestre 2013», annonce Yann Thébault, le DG France et Europe du Sud de Spotify.
Chez les deux géants du streaming, du fait du manque de données sur la diversité de consommation de leurs catalogues, difficile en revanche de vérifier l’efficacité de ces efforts.