CINEMAPourquoi les acteurs peuvent être coupés au montage

Pourquoi les acteurs peuvent être coupés au montage

CINEMAEffacer toute trace d'un acteur pourtant présent au tournage semble être la mode en ce moment à Hollywood...
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

«Eeeeeet…. Coupez!». Certains réalisateurs abusent plus que d’autres de la formule. Pour diverses raisons, mais avec toujours une même conséquence pour l’acteur: oui, oui, il était bien sur le tournage, s’est bien gentiment plié aux caprices du réalisateur quitte à répéter quinze fois sa réplique s’il le fallait, mais non, tiens, on ne le voit pas sur l’affiche, ni dans la bande-annonce, ni dans le film du tout, en fait. Comment est-il censé expliquer ça à sa mère qui frétillait à l’idée de montrer les coupures de presse à ses copines, hein? Alors par quel revirement diabolique un acteur se voit-il disparaître d’un film? Les réalisateurs ont bien le droit de changer d’avis, et le font depuis toujours, mais s’en donnent récemment à cœur joie.

Le réalisateur s’appelait Terrence Malick

Et dans ce cas, il ne faut pas s’étonner. Rachel Weisz, Jessica Chastain, Amanda Peet, Michael Sheen et Barry Pepper ont tous fait les frais de la personnalité lunatique du réalisateur le plus mystérieux du cinéma américain. Aucun des cinq n’est présent dans son dernier film présenté dimanche à Venise, To The Wonder. Mais si les acteurs se sont laissés surprendre, c’est qu’ils ne savaient pas à qui ils avaient affaire. Car c’est une habitude pour Malick, qui n’a pas hésité au cours de sa carrière à sacrifier des personnages entiers dans sa salle de montage. On se souvient combien Sean Penn avait été déçu par le résultat final de son propre rôle dans le palmé Tree of life («Je cherche encore à comprendre ce que je suis venu faire là-dedans et ce que j'ai bien pu apporter dans ce contexte!»). Mais il pouvait déjà s’estimer heureux, car Malick est allé beaucoup plus loin dans l’écrémage de stars. Dans La Ligne rouge, John Travolta, George Clooney et Woody Harrelson, assidus pendant un tournage éprouvant, s’étaient découverts à l’écran dans une ou deux scènes tout au plus, tandis que Bill Pullman et Martin Sheen avaient eux été complètement «oubliés», rappelle Première… Malick n’est pas du genre à ménager l’ego de ses acteurs. Il est bien trop occupé à créer ses chefs-d’œuvre.

L’acteur était trop connu

C’est l’excuse du Taïwanais Ang Lee (Tigre et Dragon, Le Secret de Brokeback Mountain), qui a décidé de couper Tobey Mc Guire du montage de L’Odyssée de Pi, pressenti aux Oscars et adapté du roman éponyme de Yann Martel sur l’histoire de Pi Patel, un jeune Indien qui se retrouve à traverser l’Océan pacifique sur un canot de sauvetage avec un tigre à bord. «J’ai voulu être cohérent avec le reste du casting, tourné vers l’international» a expliqué Ang Lee. Trop célèbre, Tobey perturbait l’équilibre du casting à son goût, mais il «l’admire vraiment» et «prévoit de retravailler avec lui dans le futur». Et l’acteur pourrait bien dire oui, car il répond: «Je soutiens la décision de Ang vis-à-vis de mon rôle. J’ai partagé beaucoup de films avec lui et ce que j’ai vu de Life of Pi était magnifique». Classe, quand on sait qu’il s’était déjà fait évincer d’Empire Records en 1995…

Il fallait raccourcir le film

Peut-être le prétexte le plus ingrat, car quand il s’agit de couper, on a normalement le choix… Mais c’est ce qu’a expliqué Oliver Stone pour justifier la disparition d’Uma Thurman dans Savages (sortie le 26 Septembre), qui dure désormais 2h10. En sortant aussi la carte de la difficile adaptation du roman de Don Winslow: «On a dû prendre des décisions lors de l'écriture du scénario, lors du montage, on a dû consolider l'ensemble car il y a beaucoup de différences entre le film et le livre» a-t-il expliqué au site Movieline. Dommage, Uma se fait rare ces temps-ci, on n’aurait pas snobé son retour.

«Ce sont des choses qui arrivent»

Gilles Lellouche croyait marcher sur les traces de son pote Dujardin à Hollywood. Consécration, pour Sherlock Holmes 2 il tournait en Angleterre en compagnie de Robert Downey Jr. et Jude Law sous la direction de Guy Ritchie, et même si c’était un second rôle, il n’était pas peu fier. Manque de bol, Guy Ritchie s’est finalement passé de sa performance. Les scènes françaises tournées «ne [lui] ont plus semblé nécessaires dans le montage final» a-t-il expliqué en janvier. «C'est dommage, mais ce sont des choses qui peuvent se produire sur un film. Gilles est un excellent acteur et j'espère avoir l'occasion de retravailler avec lui à l'avenir». On a déjà entendu ça quelque part (langage diplomatique, quand tu nous tiens). Sauf qu’ici, son compatriote Thierry Neuvic a lui été gardé dans une scène française, note Télé Loisirs

Le réalisateur regrettait peut-être son choix

Autre victime frenchy, Audrey Fleurot. Vous l’avez aimée dans Intouchables? Vous auriez dû la voir dans Midnight in Paris. Mais Woody en a décidé autrement, et l’actrice était furax. D’autant que le réalisateur new-yorkais l’a splendidement snobée sur le tournage, racontait-elle en juin 2011 à Télérama «Sur le plateau, c’était étrange: je suis allée dire bonjour à Woody Allen, il a fait un bond de deux mètres en arrière comme si je l’avais violé!». «Tout ça pour quoi? J’ai été coupée au montage! C'est prestigieux sur le CV mais tous mes potes pensent que je suis mythomane maintenant!» avait-elle conclu, sans qu’on sache au final pourquoi Woody avait éclipsé sa prestation. Dans ces cas-là, la réponse à la question de départ est peut-être la plus cruelle. Pourtant il y a plus cruel encore: qu’une actrice dont de nombreux Français aurait voulu qu’elle soit coupée au montage, au moins pendant sa scène finale, ne le soit pas.