REVUE DE PRESSELa presse américaine s'agace de l'oscarisation de «The Artist»

La presse américaine s'agace de l'oscarisation de «The Artist»

REVUE DE PRESSEDepuis son sacre dimanche soir aux Oscars, le film de Michel Hazanavicius fait l'objet de nombreux articles dans la presse, outre-Atlantique. Si les hommages sont de mise, plusieurs titres se montrent très amers...
Anaëlle Grondin

Anaëlle Grondin

Ça n’en finit plus. Le film muet en noir et blanc de Michel Hazanavicius, qui a triomphé aux Oscars dimanche, remportant pas moins de cinq récompenses, est partout. Et pas seulement en France. Grand vainqueur de la cérémonie, The Artist a également fait couler beaucoup d’encre aux Etats-Unis ces deux derniers jours.

Certains journaux ont chanté les louanges du long-métrage français et de sa vedette, Jean Dujardin. «Le monde devrait s'habituer à entendre davantage parler de Jean Dujardin, le séduisant et expressif acteur dont le portrait d'une star de cinéma silencieuse lui a valu les plus grands honneurs», peut-on lire sur le site du Washington Post, qui insiste sur le charme de l’acteur. De son côté, Time Magazine salue le parcours (du combattant) de l’équipe de The Artist, depuis le festival de Cannes en mai 2011, jusqu’à «la réalisation d’un rêve qui ne pourrait être plus ‘formidable’», mot utilisé par Jean Dujardin sur la scène du Kodak Theatre à Hollywood, lorsqu’il a laissé éclater sa joie.

«La flatterie vous mène où vous voulez»

Cependant, d’autres grands médias américains se sont montrés moins enthousiastes depuis que le film de Michel Hazanavicius a raflé la mise à Hollywood. «La flatterie vous mène où vous voulez», commence une chronique du New York Times publiée lundi, qui rappelle que The Artist est «une lettre d’amour à Hollywood». Le long-métrage serait-il un peu trop fayot? Plusieurs articles comme celui-ci affirment que The Artist a surtout été récompensé parce que le cinéma américain est obsédé par son âge d’or. «Comme les films récompensés, la cérémonie a célébré le passé», titre le Los Angeles Times. Pour le New Yorker, même constat, les Oscars cette année ont été «un voyage nostalgique».

Pendant ce temps, MSNBC fait remarquer que les Oscars sont «déconnectés» du box-office. «Non seulement la cérémonie des Oscars tout entière est une publicité pour l’industrie du cinéma, mais les récompenses ont mis en avant deux films qui sont eux-mêmes des publicités pour le cinéma», peut-on lire. Le site de la chaîne américaine précise que The Artist est le long-métrage ayant reçu l'Oscar du «meilleur film» qui a enregistré le moins d’entrées au box-office. Pour l’auteur de l’article, l’Académie souhaitait «promouvoir» le cinéma auprès du public.

«C’était un pur coup de chance»

«Je n'ai rien contre The Artist, qui est une charmante lettre d'amour au vieil Hollywood, réalisée avec habileté. Mais d'ici un an ou deux, on s'apercevra que c'était un pur coup de chance», a écrit un journaliste du site spécialisé Salon. L’auteur va même jusqu’à dire: «Je suis sûr que la France est en pleine euphorie, mais tôt ou tard elle aura un moment de lucidité et se dira: de tous les films que nous avons faits depuis l'époque des Frères Lumière, c'est celui-ci qui a conquis Hollywood?»

Ross Douthat, éditorialiste au New York Times, conclut son billet sur le triomphe du film par: «Et l’Oscar est revenu, presque par défaut, à un film qui est voué à devenir une question du Trivial Pursuit plus qu’un classique.»

Pourtant, il n’y a pas si longtemps que ça, la presse américaine encensait The Artist et Jean Dujardin. Et la critique était positivement unanime. Les Américains manqueraient-ils de fair-play?