CANNESFestival de Cannes: Le dur métier de badaud

Festival de Cannes: Le dur métier de badaud

CANNESPendant le festival, la Croisette se remplit de touristes et d'habitués qui mettent tout en oeuvre pour voir des célébrités...
A Cannes, Charlotte Pudlowski

A Cannes, Charlotte Pudlowski

>> De notre envoyée spéciale à Cannes

«Salut Jean-François, ça va être la cohue aujourd’hui hein!» Patrice, 69 ans, trente ans de Croisette, s’installe en face du tapis rouge. Près des douze escabeaux de son «clan», il attend la montée des marches de ce samedi soir: Johnny Depp ou Penelope Cruz, pour Pirates des Caraïbes 4.

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Derrière la barrière de sécurité, les escabeaux s’amoncellent, installés par des badauds venus voir les stars, ayant pris des vacances précisément pour l’occasion. «Ca fait vingt ans que je prends mes congés pendant le festival» précise Sébastien, jardinier. «J’arrive à 7h, et je pars après la dernière montée des marches, vers 22h».

Plan d’attaque

C’est une sacrée organisation. Quelques jours avant le festival, alors que la circulation est encore normale, sur la chaussée faisant face au tapis rouge, les habitués viennent entreposer leurs escabeaux, pour eux, et leur groupe. «Parce qu’on se connaît tous, mais il y a des clans» rapporte Sébastien. On a des stratégies et des organisations de groupe. Par exemple moi je viens avec mes copines, je réserve nos places toute la journée et je fais des photos, et elles partent par petits groupes s’attaquer aux hôtels». Paulette forme un binome avec sa fille, professeur d’anglais. La mère garde la place la journée pendant que la fille arpente la ville, et vient reprendre le soir sa place face au tapis.Le but? Simplement voir les stars.

Les armes du combat: appareils photos, papier, stylos. Il faut saisir des clichés et des autographes. «Avec ma femme on fait équipe» souligne Patrice, «je fais les photos, elle prend les autographes». Et il saisit le calpin de son épouse «Voyez? Jude Law, Claudia Cardinale, Benoît Magimel».

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Autre élément de l’équipement: les escabeaux. Il y a les tout petits devant, les «trois marches, quatre marches, jusqu’à sept tout derrière», explique Patrice, qui porte au coup les douze clés des douze cadenas accrochés aux douze escabeaux de son clan. «Certains scotchent même sur le dessus de l’escabeau un rembourrage pour s’asseoir». Patrice et Sébastien ont tous deux de moyens escabeaux: «moi je préfère parce qu’avec les petits on est devant, et comme je suis très grand ça me va, et c’est plus stable».

Et quand on se retrouve en conflit avec un autre clan? «Ce matin, un couple de petits jeunes a voulu s’incruster devant nos escabeaux», souffle Patrice en les désignant de la main et en baissant la voix. «C’est la foire d’empoigne», se désole son amie Babette, 64 ans.

Récompense

Depuis 30 ans qu’ils voient défiler des stars, ils ont vu évoluer les choses, les badauds. «Avant il y avait plus d’ambiance, l’organisation du festival nous chouchoutait davantage, il y avait parfois des danseurs, des musiciens. Pour Star Wars, il y avait des soldats de Dark Vador; pour Shrek, on nous donnait des oreilles vertes. Maintenant c’est plus strict, plus sévère», confie Sébastien.

Mais la récompense vient quand les stars débarquent dans leurs robes longues et smoking. «Michel Piccoli [venu pour Habemus Papam] était formidable hier, il est resté tellement longtemps qu’il a été applaudi, il a signé plein d’autographes, se réjouit Patrice. Ceux qui ne viennent pas se font siffler. De Niro par exemple. Hier Costa Gavras voulait venir mais sa femme l’a rattrapé par le bras pour le faire monter dans le Palais». «Brad Pitt est l’un des plus sympa, il navigue, il va vers tout le monde. Avec Angelina ils s’approchent. Sharon Stone aussi est formidable», sourit Babette. «On est transporté dans un autre univers en quelques minutes, et c’est comme s’ils vivaient dans le même monde que nous», songe Sébastien.