Pourquoi vous propose-t-on des rôles de salaud?

La question serait plutôt: «Pourquoi je les accepte?» Le personnage des Herbes folles n'est pas une simple ordure, mais un homme à la psychologie complexe. Quand quelqu'un comme Alain Resnais vous offre un rôle aussi excentrique que celui-là, c'est impossible de refuser. Vous avez d'autant plus envie de vous surpasser que vous savez qu'il a écrit le scénario en pensant à vous.

Avez-vous affiné le personnage ensemble?

Nous avons travaillé en amont un peu comme si nous faisions du jazz en insistant sur la musicalité des dialogues et le surréalisme des situations. Cela s'y prêtait vraiment pour créer cet homme délicieusement ambigu qui souffre du décalage entre son imaginaire et la réalité. Rarement Alain Resnais n'avait fait preuve d'autant de fantaisie pour nous diriger, Sabine Azéma et moi. Je crois que l'univers du roman* de Christian Gailly l'a particulièrement inspiré.

La notion de jeu est-elle importante?

C'est cet aspect ludique qui donne tout son sel au métier de comédien. On s'amuse quand on travaille avec un réalisateur comme Alain, car sa vitalité se communique à ses acteurs. J'espère que nous pourrons faire encore de nombreux films ensemble. Il pense d'ailleurs déjà à un nouveau projet.

Prenez-vous autant de plaisir quand vous tournez avec de jeunes réalisateurs ?

Pour moi, Alain Resnais est encore un jeune homme ! C'est à lui que je dois bien des propositions, car il m'a révélé à un nouveau public avec On connaît la chanson. J'ai l'impression d'accéder à des rôles de plus en plus forts en vieillissant. Je n'aurais jamais pensé jouer Joseph Staline dans Une exécution ordinaire, de Marc Dugain, qui sortira en janvier. C'est une composition totale comme je n'en avais jamais fourni auparavant ! W

* Les Herbes folles est une libre adaptation d'un roman de Christian Gailly, L'Incident (Editions de Minuit).