Après «Inglourious Basterds» de Quentin Tarantino, c’était sans doute le deuxième film le plus attendu au festival de Cannes. «L’Imaginarium du docteur Parnassus» de Terry Gilliam, qui vient d’être projeté ce vendredi matin hors compétition, est en effet le dernier film de Heath Ledger, décédé prématurément en janvier 2008.

Un fait morbide survenu en plein tournage et qui a failli plomber la suite. «Ma première réaction a été d’abandonner le tournage, a raconté Terry Gilliam. Sans lui (Heath Ledger, ndlr), je ne me voyais pas continuer, humainement d’abord, et ensuite parce que son rôle était trop central. Ce sont les autres qui m’ont donné la force de poursuivre.» Les «autres»? En l’occurrence, ce sont Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell, accourus sur le tournage pour se partager le rôle de Heath Ledger.

«Terry a passé un mois avec son monteur, à remettre le film à plat, a expliqué le Français Samuel Hadida, de Metropolitan Filmexport, producteur exécutif d'un film qui a coûté 45 millions de dollars. Puisque le héros pénètre à trois reprises dans le monde imaginaire, il a eu l'idée de proposer à trois acteurs de reprendre son rôle. Il y a eu un vrai élan pour que la dernière performance de Heath voie le jour, pour que le film existe.»

Un quatuor pour un rôle

Sachant que le personnage, Tony, allait être joué successivement par plusieurs acteurs, les festivaliers ont épié comme jamais à l’écran son visage. «C’est Heath Ledger ou Johnny Depp, là?», demande-t-on à son voisin au début du film. Formidable tour de passe-passe dont le réalisateur a fini par tirer parti, en montrant Johnny Depp et Jude Law se toucher le visage comme s’ils ne se reconnaissaient pas eux-mêmes. Cela aurait pu paraître bizarre dans un autre film, mais dans «L’Imaginarium du docteur Parnassus», un film ovni qui évoque l’imagination, les rêves et les faux-semblants, ça tombe pile poil.

A sa mémoire

L’histoire? Celle du Dr Parnassus, un vieillard qui a pactisé avec le diable. Il a obtenu l’immortalité en promettant de donner sa fille lorsque celle-ci aura 16 ans. Or le film commence le jour des 16 ans de Valentina (jouée par Lily Cole, une mannequin à la bouille ronde et aux jambes interminables)…

Est-ce bête à dire? Le cinéma a quand même un pouvoir hallucinant: celui de montrer à l’écran des images inédites d’un Heath Ledger parlant, bougeant et respirant. Ressuscité le temps d’un film. A la sortie, des applaudissements nourris ont salué le générique, où il était écrit «un film d'Heath Ledger et ses amis».