Après Kevin Spacey et Franck de Lapersonne, va-t-on remplacer tous les acteurs gênants des films?
POLEMIQUES•Après Franck de Lapersonne, soutien du FN coupé au montage du film « Coexister » et Kevin Spacey, supprimé de « Tout l'argent du monde », d'autres acteurs pourraient être évincés de films...Claire Barrois
La tendance début 2017 était aux acteurs numérisés, celle de 2018 pourrait être aux acteurs supprimés. Après Franck de Lapersonne, évincé du film Coexister, c’est au tour de Kevin Spacey, de voir Tout l’argent du monde le supprimer au montage. Il semblerait que les réalisateurs ne soient plus enclins à diffuser des œuvres dans lesquelles figurent des personnalités se trouvant au cœur de polémiques.
Affaires sexuelles, (mauvais) humour et politique sur le banc des accusés
L’époque a changé. Adieu Gilbert Rozon, producteur d’humoristes en tous genres accusé d’agressions sexuelles. M6 a jeté à la poubelle les prime déjà tournés de la dernière saison de La France a un incroyable talent. Tex fait une blague sur les violences faites aux femmes ? France Télévisions annonce que Les Z’amours se feront désormais sans lui. Difficile, dans ces conditions de faire comme si de rien n’était au cinéma.
En France, Fabrice Eboué a ouvert le bal des disparitions au montage en supprimant les scènes tournées par Franck de Lapersonne dans son film Coexister, sur un boysband composé d’un imam, un prêtre et un rabbin. « Le film s’appelle Coexister et on ouvrait la scène avec Franck de Lapersonne, soutien de Marine Le Pen, a expliqué le réalisateur dans Quotidien. J’ai retourné toute la scène avec un autre comédien. Evidemment. J’ai rien dit mais le risque c’était qu’il devienne député et ça devenait alors un film politique. Moi, c’était un film pour déconner. »
Les rôles de Kevin Spacey, un vrai chamboule-tout
Outre-Atlantique, les producteurs ont également décidé de sévir. L'affaire Harvey Weinstein a permis à Hollywood de révéler un certain nombre d’affaires de harcèlement sexuel. Le nom de Kevin Spacey est apparu plusieurs fois. De quoi faire perdre au comédien américain son rôle dans la série House of Cards, qu’il portait depuis cinq saisons.
Dans le film Tout l’argent du monde, qui sort ce mercredi au cinéma, il a tout simplement été gommé de toutes les scènes dans lesquelles il apparaissait. Le réalisateur du film, Ridley Scott, a décidé de les retourner avec un autre acteur, Christopher Plummer. « J’ai réfléchi et j’ai réalisé que nous ne pouvions pas sortir le film comme ça. On ne peut pas tolérer ce genre de comportement, cela aurait affecté le film, a confié le réalisateur au magazine Entertainment Weekly. On ne pouvait pas laisser l’action d’une personne affecter le bon travail de toute une équipe, c’était aussi simple que ça. »
Tous les films remontés ?
Ça n’est pas un secret, les industries culturelles ne sont pas en expansion. Désormais, un flop peut arrêter la carrière d’un réalisateur reconnu parce que les producteurs refuseront de se mouiller pour un futur film sans avoir la certitude de rentrer dans leurs frais. Dans ces conditions, risquer un boycott ou une mauvaise publicité à cause d’un acteur est impensable, et, pour le bien du film, il semble moins dangereux de supprimer toutes les séquences avec la personnalité problématique.
Ce genre de préoccupations n’est d’ailleurs pas nouveau. Dans les années 1940, aux Etats-Unis, les producteurs faisaient déjà tout pour éviter les scandales pouvant être liés aux mœurs de leurs acteurs. « Lizabeth Scott, une très grande actrice de films noirs était "soupçonnée" d’être lesbienne et ça lui a valu la fin de sa carrière », rappelle Antoine Sire, spécialiste de cinéma classique. Les mentalités ont heureusement évolué concernant la vie privée des stars… tant qu’elles ne sont pas accusées d’enfeindre la loi.
aUne politique qui pourrait s’appliquer aux films plus anciens ? « Je n’y crois pas, mais on ne sait jamais, avance prudemment Antoine Sire. J’ai tout de même du mal à croire que la personnalité sulfureuse de Clark Gable, passée sous silence à l’époque parce qu’on n’en parlait pas, nous empêcherait de regarder Autant en emporte le vent… »