VIDEOS. «Les blockbusters n'ont plus le même charme qu'avant», selon Joe Johnston, réalisateur du premier «Jumanji»
INTERVIEW•A l'occasion de la sortie du reboot de «Jumanji», «20 Minutes» a rencontré Joe Johnston, le réalisateur du film culte avec Robin Williams et témoin d'un Hollywood révolu...Propos recueillis par Vincent Jule
Mercredi sort au cinéma Jumanji : Bienvenue dans la jungle, reboot à la gloire de The Rock du film culte des années 1990, qui devait beaucoup à son acteur Robin Williams, mais aussi à son réalisateur Joe Johnston. Si son nom ne vous évoque rien, sa carrière parle pour lui : designer et directeur artistique sur Star Wars et Indiana Jones (dont un Oscar des meilleurs effets spéciaux pour Les Aventuriers de l’arche perdue), producteur sur Willow, et metteur en scène de quelques-uns de vos films préférés : Chérie, j’ai rétréci les gosses, Les Aventures de Rocketeer, Jumanji donc, le troisième Jurassic Park, et plus récemment Captain America. Si Steven Spielberg est l’auteur avec un grand A, Joe Johnston est l’artisan avec un même grand A.
Après un film sorti directement en DVD, Témoin gênant, et avant un énième blockbuster, le quatrième Narnia, c’est un Joe Johnston, à la fois sage et blasé, qui était l'invité fin octobre du Comic Con de Paris. A 71 ans, il n’a pas peur de dire du mal d’Hollywood. Et du bien aussi.
Après l’éviction des réalisateurs du film Han Solo, les fans se sont mobilisés pour que vous les remplaciez. Même chose après le départ de Colin Trevorrow de Star Wars : Episode IX. Pourquoi vous ?
Pour l’instant, Disney n’a pas eu le message, car ils ne m’ont pas appelé (rires). Les fans doivent se dire que comme j’ai fait partie de la trilogie originale, je suis le mieux placé pour comprendre ce que Star Wars doit être. Mais la saga a évolué comme toutes les franchises, et personnellement, je ne veux pas voir la première trilogie copiée/collée en boucle.
Ils doivent aller vers d’autres directions, de nouveaux personnages. Star Wars est toujours en train de chercher sa voie, mais il va la trouver. Les gens qui bossent dessus actuellement sont très talentueux, et même si je ne suis pas activement impliqué, je parle avec eux, et même avec George Lucas, deux à trois fois par an.
Star Wars, Indiana Jones, Willow, Jumanji… Pour beaucoup, vous représentez l’essence, voire la quintessence, d’un certain cinéma, d’une magie du cinéma.
Je viens d’une autre époque, d’une autre école de cinéma. Nous avons fait Star Wars il y a plus de trente ans, tout a changé depuis, en grande partie avec la révolution numérique. Mais le plus important reste toujours l’histoire que l’on raconte, être un conteur efficace. Et il y en a qui le font très aujourd’hui. J’aime penser que j’ai un style à moi, reconnaissable, même si je n’en suis pas tout le temps sûr, pas sur tous mes films.
De Star Wars à Stranger Things, il y a un retour en force des années 80, comprenez-vous cette nostalgie ?
Je la comprends, les produtions de cette époque en général, et celles de Steven Spielberg en particulier, avaient ce charme, un charme qui manque aux films et aux séries d’aujourd’hui. Les gens veulent donc naturellement le retrouver.
Vos films sont eux-mêmes revisités par Hollywood, avec le nouveau Jumanji, un possible Rocketeer…
Pour Jumanji, je ne suis pas du tout impliqué, les studios n’ont aucune obligation de me tenir au courant. (rires) Mais je suis curieux bien entendu. J’ai vu la bande-annonce, et c’est un tout autre film, ils ont eu la bonne idée de les envoyer dans la jungle, soit l’inverse de mon film où Robin Williams s’en échappait.
aRocketeer, lui, a été un bide au box-office, mais avant la sortie, une suite, et même une trilogie, était prévue. La minifusée était stockée dans un grand hangar, comme l’arche perdue dans Indiana Jones, puis elle était volée et jouait un rôle dans une histoire post-Seconde Guerre mondiale, une histoire de guerre froide. Mais le film n’a pas fait assez de recettes pour que les studios donnent leur feu vert.
En revanche, le film est devenu culte avec sa sortie en VHS et ses diffusions à la télé, c’est difficile à expliquer, peut-être parce que j’ai fait ce film pour moi, et un petit groupe d’amis, et non pour qu’il marche. Faire le film le plus commercial possible, ce n’est pas faire le meilleur film possible.
Vous avez tourné un film Marvel, Captain America, et puis c’est tout, vous n’êtes pas revenu pour la suite comme Jon Favreau sur Iron Man ou Joss Whedon sur Avengers.
Disney et Marvel voulaient que je fasse le premier Avengers. Mais je préfère me focaliser sur un seul personnage à la fois, comme ce petit gars qui devient un super homme, je ne me voyais pas jongler entre cinq, six ou sept personnages, et raconter mon histoire comme il faut. J’ai passé mon tour.
A part Steven Spieblerg et James Cameron, des cinéastes cultes comme vous, John Carpenter (Halloween) ou Joe Dante (Gremlins) ont du mal à tourner.
Les films d’aujourd’hui sont des montages financiers, avec quatre ou cinq producteurs différents. A notre époque, tu rencontrais le studio, il te disait oui ou non, et c’était parti. Les studios actuels fonctionnent par comité, il n’y a pas plus un patron avec une vision, mais des réunions à n’en plus finir et des notes dont tu ne sais même pas qui les a écrites. C’est pourquoi des réalisateurs préfèrent faire des petits films, sans la pression des studios.
Vous avez signé des blockbusters dans les années 80 et dans les années 2010, qu’est-ce qui a changé à Hollwyood ?
Je vais parler de mon cas particulier, et paraître un peu cynique, mais bon. Je suis peut-être fatigué de faire ce genre de films, mais je peux me faire autant d’argent avec un blockbuster qu’avec trois petits films. (rires) Tous les films sont durs à monter, mais si tu as une histoire avec un gros studio, c’est quand même plus facile. Le prochain Narnia, d’après le quatrième livre de la saga, Le fauteuil d’argent, sera sûrement mon dernier film. Après, je prendrai ma retraite.