L'essentiel
- Après deux films déjà présentés à Cannes, et même nommé aux Césars pour «Ni le Ciel, ni la Terre» en 2015, Clément Cogitore revient avec «Braguino».
- A 34 ans, le réalisateur alsacien, artiste complet, avance en jouant avec les codes, entre documentaire et fantastique, et en construisant son style.
Il a grandi dans les forêts d’une vallée du massif vosgien. Et cette fois, ce sont des enfants vivant dans l’immensité de la Taïga sibérienne qu’il a filmés. Mais n’y voyez pas de gros parallèle pour autant. Dans Braguino, son dernier film en salles mercredi 1er novembre, l’Alsacien Clément Cogitore s’est plutôt penché sur l’isolement d’une famille russe.
Et sur l’utopie d’une vie en autarcie avortée par l’arrivée, notamment, d’une deuxième famille, devenue ennemie au fil du temps, à plus de 700 kilomètres du premier village. Un documentaire entouré de mystère aux belles images diablement sauvages, dans un milieu hostile déjà côtoyé dans l’Atlas marocain lors d’un précédent tournage. L’intéressé commente :
« « Les paysages reculés sont assez cinégéniques, forts, impressionnants ou beaux. On sait qu’en y tournant, ça rentre assez vite dans la caméra, ça donne du souffle, ça charge le film et lui donne presque un côté western, parfois. C’est un parti pris en termes d’images. […] Après, c’est assez éprouvant car il y a aussi des contraintes dures, entre la température, les bêtes sauvages, les insectes comme les moustiques agressifs de la Taïga… Mais c’est très riche visuellement. » »
Un style Clément Cogitore en construction et déjà salué
Après son court-métrage Biélutine (2011) et son (très salué) premier long Ni le Ciel, ni la Terre (2015), tous deux présentés à Cannes (et nommé aux Césars pour le second), Clément Cogitore manipule de nouveau les codes dans Braguino. Filmée souvent en caméra à l’épaule comme un reportage, sa production navigue aussi aux abords du fantastique.
A 34 ans, l’Alsacien originaire de Lapoutroie et passé par les ex-Arts déco de Strasbourg avant de rejoindre la capitale construit son propre style en se faisant un beau petit nom. Sans trop se poser de questions : « J’ai fait ce documentaire à ma manière. C’est simplement ma manière de regarder les choses. C’est à la fois conscient et inconscient. »
Clément Cogitore, entre art contemporain et cinéma
Plus qu’un réalisateur, Clément Cogitore est en fait un artiste singulier, entre cinéma et art contemporain. La preuve, la sortie de Braguino (d’ailleurs pas attendu en salles mais seulement sur Arte à l’origine) s’accompagne d’ailleurs d' une exposition au Bal, à Paris, sur cette « communauté impossible » menacée, également, par des braconniers.
Aîné d’une fratrie de cinq enfants (dont deux frères, réalisateur ou journaliste reporter d’images, qui ont aussi la passion de l’image), l’Alsacien a toujours eu une approche transversale : « J’ai commencé à faire des films en même temps que je faisais des expos. Et je continue avec, également, des choses plus expérimentales, ce qu’on appelle l’art vidéo. »
Un tournage « fort, merveilleux, brutal et émouvant »
La sortie de Braguino est pour lui l’aboutissement d’un long travail, entamé par des recherches avant la rencontre, en 2012, du patriarche Sacha Braguine, puis les dix jours de tournage, en 2016, à trois seulement. « Sur un film comme ça, on part en espérant que les choses se produisent, et que les scènes racontent des choses sur les personnages », décrit Clément Cogitore.
« Fort, merveilleux, brutal et émouvant » selon ses mots, ce tournage a accouché d’un film tout aussi puissant, basé sur des scènes d’une intensité rare. Simplement « heureux » que sa réalisation puisse finalement être vue en salles, Clément Cogitore n’en attend pour l’heure rien de plus. Il s’apprête à travailler sur un long-métrage « de personnages » tourné à Paris. Et sur d’autres projets dont il ne peut pas encore parler.