Affaire Harvey Weinstein: «Le cinéma français a protégé les agresseurs sexuels»
AGRESSIONS•L’avocate Isabelle Steyer pointe du doigt les similitudes entre l’affaire Weinstein et celle qui avait éclaboussé le cinéma français dans les années 1990…Maria Aït Ouariane
Depuis que l’affaire Harvey Weinstein a éclaté, la parole se libère et les hashtags fusent. Des milliers se confient, dénoncent, prennent position et les célébrités usent de leurs notoriétés pour briser le tabou. Mais toutes ces prises de positions font « doucement rire » l’avocate Isabelle Steyer.
Similitudes avec l’affaire Bourgeois
« Je suis extrêmement choquée de l’attitude du cinéma français aujourd’hui à l’égard de Weinstein ». L’avocate au bureau de Paris, évoque dans une interview pour Le Parisien les similitudes entre l’affaire Weinstein à celle du photographe Jean-Pierre Bourgeois contre lequel 86 femmes avaient témoignés en 1997. « L’homme photographiait les jeunes femmes nues, et parfois abusait d’elles […] les clichés étaient proposés à de riches clients et des rencontres étaient organisées à Paris ou sur la Côte d’Azur. » Maître Steyer est catégorique : « Le cinéma a protégé les agresseurs sexuels, les violeurs, un fonctionnement de traite des jeunes femmes »
Elle raconte également comment de lourdes pressions furent exercées sur le juge d’instruction Frédéric N’Guyen. Une affaire qui avait cependant fait à l’époque l’objet d’une véritable omerta. « Toutes les institutions ont voulu faire taire cette affaire et de façon malheureusement opportune les victimes ont disparu de la procédure judiciaire, et ne sont pas venues à l’audience. »
Ils « ont intégré l’idée que le viol fait partie du métier »
Isabelle Steyer, qui avait été l’avocate de la partie civile, raconte alors comment le cinéma français, éclaboussé par l’affaire, s’est muré dans un commun silence : « Tout le monde savait que cela existait, du producteur aux acteurs jusqu’aux concierges des hôtels. » L’exemple de ce photographe n’est malheureusement sûrement qu’un cas parmi d’autres puisque, agacée, elle poursuit : « Il y avait un nom de code « un oreiller complet », cela voulait dire une chambre avec une fille.Cela se produisait lors du festival de Cannes […], des immeubles entiers se taisent. Des professions et des corps de professions entiers se taisent. Se taisent et ont intégré l’idée que le viol fait partie du métier. »
L’avocate espère désormais que les actrices parleront de ce qu’il se passe dans le cinéma français comme cela a été fait avec l’affaire Weinstein.