VIDEO. «L'Atelier»: Marina Foïs déclare la guerre aux préjugés de classe
RENCONTRE•La comédienne incarne une romancière célèbre, venue donner des cours d'écriture à des jeunes en insertion dans le sud de la France...Stéphane Leblanc
«Il y a une des plus belles scènes de cul du cinéma et moi j’aime les scènes de cul ! » C’est Marina Foïs qui parle, du film 120 Battements par minute de son ami de longue date Robin Campillo, dont elle vante une « énergie » dont elle ne s’est toujours pas remise… Mais qu’on ne s’y trompe pas, Marina Foïs, comédienne ô combien attachante et douée, est bien là pour parler du film où elle joue et qui sort cette semaine : L’Atelier de Laurent Cantet, (co)écrit et monté par le même Robin Campillo qui a réalisé 120 Battements par minute. La boucle est bouclée, la parenthèse refermée, on peut commencer.
Marina Foïs, c’est elle qui anime « l’atelier » du titre, dans le rôle d’Olivia, romancière parisienne connue venue prêcher la bonne parole auprès d’un groupe de jeunes en insertion à La Ciotat, à l’été 2016. Elle leur suggère d’écrire un roman noir en utilisant, en toile de fond, le chantier naval fermé depuis 25 ans. Antoine, un des jeunes davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, va s’opposer au groupe et à Olivia, que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire.
Préjugés de classe
Avouons-le tout de go, Marina Foïs est parfaite, entre assurance et inquiétude, avec un côté sexy (à défaut de scènes de cul) qui colle bien avec l’été au soleil dans le crissement des cigales… Surtout, la comédienne colle parfaitement bien au rôle, ex-Robins des bois de la télévision devenue une actrice à succès, qui joue une romancière célèbre débarquant avec sa réussite et ses certitudes dans un milieu qu’elle ne connaît pas. Vous pensez snobisme ou préjugés de classe ? Vous y êtes. D’où notre question : « Et vous Marina, quand vous vous comparez au personnage d’Olivia, voyez-vous des similitudes avec ce que vous connaissez ou que vous avez pu connaître au cours de votre carrière ? »
« On est tous des produits de nos milieux. Et on doit tous se battre contre nos réflexes sociaux, culturels et contre nos a priori. Moi je crois très intimement que la mixité nous sauvera. Et que les mélanges nous permettront de rester vivants. Je partage ça avec Olivia, dont la démarche est spontanée et volontaire: c’est elle qui choisi d’assurer cet atelier et je crois qu’elle est sincère, même si elle peut se montrer maladroite. Avec un certain sentiment de surplomb qui est celui de sa classe. Elle a ce truc très maladroit de vouloir aider ceux qui ne lui demande pas forcément d’aide. Et elle se prend dans la gueule ce que dit le film, le groupe en général et le personnage de Matthieu Lucci, qui joue Antoine, en particulier : "hey écoute nous avant de décider pour nous, ce qu’il faut faire ou non"... »
Inquiétude d'adulte
Marina Foïs poursuit: «Des jeunes comme eux pourraient me dire la même chose dans la vie, mais pas seulement parce que je suis une actrice connue ou que j’ai du pognon, mais parce que je suis une adulte, et qu’il y a une sorte d’inquiétude liée au fait d’être adulte, ou parent. Et comme on n’est pas forcément à l’aise avec cette inquiétude, on se retranche derrière le jugement et on écrase un peu cette jeunesse de ce qui peut leur apparaître comme du mépris. Mais cela ne peut pas marcher comme ça et c’est ce que dit le film, de manière assez subtile et assez forte, non ?»
En effet, même s'il ne faudrait pas croire que L'Atelier est seulement un film subtil et fort. Certaines scènes sont aussi enlevées, criantes de vérité et souvent très amusantes.
Absence de hiérarchie
«Ce qui m'a frappée sur le tournage, reprend la comédienne, c'était l'absence de hiérarchie. En tant que cinéaste, Laurent Cantet considère chacun à part égale et filme tout le monde dans un même mouvement. C’est pour ça qu’il réussit si bien à capter le collectif. La vérité d'une scène vient autant de moi que des autres...»
Même si le film paraît très écrit, on suppose qu'il a dû y avoir des imprévus. «En effet, car les jeunes entre eux étaient très vanneurs. Un jour, il y en a un qui est arrivé bizarrement attifé et un autre qui lui dit : "ben qu’est ce qui t’arrive on dirait un fruit et légume…" Il fallait que je note ces répliques, tellement je les trouvais drôles ! Laurent en a d’ailleurs gardé pas mal dans le film...»