«Nothingwood»: Comment le Ed Wood afghan a tourné «plus de cent films sans un sou»
DOCUMENTAIRE•Ce documentaire français permet de découvrir Salim Shaheen, le réalisateur le plus prolifique et le plus fauché d’Afghanistan…Caroline Vié
Qui a entendu parler de Salim Saheen? En Afghanistan, en Iran et partout où on parle farsi ou persan, ce réalisateur est pourtant une star ! C’est ce qu’on apprend dans Nothingwood, documentaire passionnant de Sonia Kronlund qui a suivi le cinéaste pour nous faire découvrir sa façon artisanale de considérer le 7e Art.
Passionné de cinéma depuis sa plus tendre enfance, le réalisateur tourne avec les moyens du bord, d’où le titre du documentaire, référence à ses films faits avec trois fois rien si ce n’est de bonnes doses d’enthousiasme et de système D. Salim Shaheen en est à la fois le scénariste, l'acteur, le metteur en scène, le producteur et le VRP. Un vrai homme-orchestre grande gueule et touchant, dont l'histoire, entre rodomontade et fausse modestie, a marqué laQuinzaine des réalisateurs cette année à Cannes.
Bonheur et patriotisme
« J’apporte un peu de joie et d’esprit patriotique dans des pays ravagés par la guerre », explique Salim Saheen à 20 Minutes. Partout où il passe, sa bonne humeur fait des étincelles tandis qu’il montre des Afghans fiers de leur nationalité. « Je me considère comme le porte-parole de l’Afghanistan », explique cet extraverti qui recrute ses acteurs dans les villages et n’hésite pas à les faire tirer à balles réelles quand les scènes le nécessitent. Ses œuvres populaires exploitées en salles ou en DVD font qu’il est accueilli à bras ouverts partout où il vient tourner comme un oncle débonnaire un peu menteur (il prétend être originaire de toutes les régions), mais craquant.
Plus de cent films
Son cinéma excentrique où les numéros musicaux côtoient le mélo, les scènes d'action et les gags potaches évoque plus Ed Wood, le roi de la série Z, qu’ Ingmar Bergman, mais notre homme vit bien de son art depuis de trente ans. « J’ai tourné plus de cent films sans un sou, mais en y mettant tout mon cœur », avoue-t-il. S’il a perdu le compte exact de sa filmographie, Salim Saheen est fier des acteurs qu’il a révélés, comme Qurban Ali. Ce dernier, qui l'a suivi dans l’aventure du documentaire, demande à être pris en photo avec les journalistes français qu'il rencontre, « pour épater [sa] femme ».
aFaire tourner Alain Delon
A la cinquantaine bien sonnée, le cinéaste a deux rêves : faire tourner Alain Delon et que l’un de ses films soit un jour sélectionné à Cannes. « Avec un peu plus de moyens, je ferais des merveilles, précise Shaheen. Je travaille sur l’histoire d’une fille qu’on veut lapider parce qu’on la croit enceinte alors qu’elle a une tumeur à l’estomac. » Sa propre nièce lui a inspiré ce scénario qu’il souhaiterait montrer dans le monde entier. « Nothingwood m’a ouvert de nouveaux horizons que je compte explorer », confie-t-il. Qui sait, en 2018, la Palme d’or sera peut-être afghane...