Sandrine Bonnaire ouvre L’Œil au Festival de Cannes
RENCONTRE•Dix ans après la projection d'« Elle s’appelle Sabine » à la Quinzaine des réalisateurs, Sandrine Bonnaire revient à Cannes pour présider le jury de L’Œil d’or, qui récompense le meilleur documentaire…De nos envoyés spéciaux à Cannes, Anne Demoulin et Stéphane Leblanc
Quand on croise Sandrine Bonnaire au Festival de Cannes, on ne reconnaît pas tout de suite la jeune adolescente rebelle d’A nos amours de Maurice Pialat (1983) ou de Sans toit ni loi d'Agnès Varda (1986).
Sans maquillage, elle irradie de naturel, avec des airs de gravité qu’un large sourire efface dès qu’on lui parle du rôle particulier qu’elle s’apprête à tenir cette année à Cannes : présidente du jury d’un tout jeune prix, L’Œil d’or, qui récompense pour la troisième fois le meilleur documentaire présenté sur la Croisette, toutes sections confondues.
« Ce n’est pas absurde comme idée, puisque j’en suis moi-même à la réalisation de mon troisième documentaire !, lance-t-elle. Je commence à connaître le domaine. » Plus que le premier de ces films, consacré à Higelin, plus que le dernier, sur Marianne Faithfull (puisqu’elle ne l’a pas tout à fait terminé), c’est le second qui a marqué les esprits lors de sa projection à la Quinzaine des réalisateurs en 2007.
Elle s’appelle Sabine est un documentaire que l’actrice a consacré à sa sœur autiste, qui « a toujours vécu enfermée et là, je l’ai montrée aux yeux des autres, aux yeux du monde entier. Il y a eu une standing ovation, c’était très fort… ». Le film a eu du succès au-delà de toute espérance. « Il devait être diffusé en deuxième partie de soirée sur France 3 et grâce à Cannes et au soutien de la presse, il a été diffusé en prime time avec un débat et il est sorti en salles six mois plus tard… »
Une affaire de morale
Sandrine Bonnaire revient sur la Croisette dix ans plus tard et succède aux cinéastes Gianfranco Rosi et Rithy Panh pour remettre L’Œil d’or au meilleur des vingt films en compétition. « Un bon documentaire, estime la comédienne, c’est un film qui reste à la bonne distance, qui n’est pas racoleur ou violateur. » Elle précise : « Quand on plonge dans un film et qu’on ne l’analyse pas tellement on est dedans, c’est que c’est réussi. J’attends finalement ça. »
Elle parle de bonne distance et on pense à Godard, à sa célèbre phrase « le travelling est affaire de morale ». « C’est vrai et ça l’est encore plus dans le documentaire, s’exclame Sandrine Bonnaire. Parce qu’il y a des gens livrés à eux-mêmes, qui n’ont jamais été filmés, des gens qu’on pourrait utiliser d’une mauvaise manière. »
Pas trop de risque d’abus avec les grands documentaristes présents cette année à Cannes : Barbet Schroeder, Claude Lanzmann, Agnès Varda, Raymond Depardon… « C’est intimidant, parce que j’ai travaillé avec certains d’entre eux et parce qu’ils m’ont construite, surtout Varda. Mais c’est « marrant » aussi de se retrouver dans la position de devoir juger leur travail. » Verdict le samedi 27 mai vers midi.