«Grave», «Zoologie»: Le cinéma fantastique européen se conjugue au singulier
TENDANCE•« Grave » ou « Zoologie » sont de nouvelles preuves que les Européens ont une façon bien différente de manier le fantastique que leurs confrères Américains…Caroline Vié
Les Américains n’ont plus le monopole du bon cinéma fantastique ou horrifique. Les Européens s’y mettent gaillardement et démontrent qu’ils peuvent faire au moins aussi bien et totalement différent. Grave de la française Julie Ducournau et Zoologie du russe Ivan I. Tverdovsky, qui sortent en salles ce mercredi, constituent deux beaux fleurons de cette tendance.
Dans le premier, révélé à la Semaine de la critique, une étudiante végétarienne se découvre un goût inattendu pour la viande crue. Dans le second, récompensé par 20 Minutes au Festival des Arcs, une employée vieillissante se voit pousser une queue d’animal, une différence qui va l’aider à s’affirmer.
Un cinéma féministe
Que ce soit Lucile Hadzihalilovic avec le récent Evolution où des infirmières se livrent à d’étranges expériences ou Julia Ducournau qui décrit la métamorphose en fauve d’une fille rangée, les réalisatrices européennes n’ont pas froid aux yeux. Loin des filles persécutées prisées outre-Atlantique, leurs héroïnes prennent leur destin en main, chacune à sa façon. Tout comme la quadragénaire de Zoologie, elles dominent leurs peurs pour s’affirmer avec détermination dans une société machiste. Ces dames à la poigne de fer ne perdent pourtant rien de leur féminité.
Un cinéma pour adultes
Si le cinéma fantastique américain est souvent conçu pour faire frissonner un public adolescent, les Européens osent aborder des thèmes adultes. Le cannibalisme (Grave), la sexualité (Zoologie), la solitude (The Lobster du Grec Yorgos Lanthimos où les célibataires sont transformés en animaux) et l’Histoire avec Insensibles de l’Espagnol Juan Carlos Medina qui voit des enfants mis à rude épreuve sous le Franquisme risquent des thèmes pouvant décourager les gamins mais capables d’attirer un public plus mûr.
Intello mais pas trop
Les cinéastes européens savent faire la différence entre « cérébral » et « prise de tête ». Le superhéros de On m’appelle Jegg Robot de l’Italien Gabriele Mainetti (sortie le 3 mai 2017), l’ingénieur du son perdu dans un univers de folie dans Berberian Sound Studio du britannique Peter Strickland, comme les enfants persécutant leur mère dans Goodnight Mommy des Autrichiennes Severin Fiala et Veronika Franz, réunissent toutes les qualités du cinéma d’auteur par leur singularité. Ces films offrent des divertissements au moins aussi efficaces que s’ils venaient d’Hollywood.
Extrême, vous avez dit extrême ?
Les Européens s’y connaissent en gore ! Les séquences les plus sanglantes de Grave sont à réserver à un public averti mais certains films vont tellement loin qu’ils n’ont carrément pas pu être exploités en salles. Ils sont encore plus extrêmes que le film américainSaw 3, interdit aux moins de 18 ans dans les cinémas français. C’est notamment le cas pour A Serbian film du serbe Srdjan Spasojevic où un acteur du X est contraint à tuer et violer devant la caméra et de Human Centipede du Hollandais Tom Six dont le héros transforme des êtres humains en mille-pattes géant après les avoir cousus ensemble.
La société sur la sellette
En Europe plus qu’aux Etats-Unis, les films récents explorent le fantastique et l’horreur pour asséner quelques vérités bien senties sur le monde qui nous entoure. La femme animal de Zoologie s’insurge contre l’uniformité imposée par la société tandis que les zombies deLa Horde de Yannick Dahan et Benjamin Rocher viennent directement des banlieues pour défier l’ordre établi. L’Europe est vraiment devenue l’autre continent du cinéma fantastique. Grave et Zoologie ont tous les arguments pour vous en convaincre.