«Quelques minutes après minuit» sous le signe du fantastique et de la poésie macabre
DRAME•Avec «Quelques minutes après minuit», Juan Antonio Bayona signe une œuvre singulière sur le travail de deuil...Caroline Vié
Le héros deQuelques minutes après minuit de Juan Antonio Bayona n’a pas une vie facile entre sa mère atteinte d’une grave maladie ( Felicity Jones), sa grand-mère rébarbative ( Sigourney Weaver) et les gros durs du collège.
Le réalisateur deL’Orphelinat (2007) et The Impossible (2013) porte à l’écran le magnifique livre de Patrick Ness et Jim Kay, édité par Folio Junior, en plaçant un gamin de douze ans (incarné par le vibrant Lewis MacDougall) au centre de l’action.
Un monde tout en nuances
Le bambin reçoit la visite d’un monstre géant, mi-homme mi-arbre, l’aidant à faire le point sur sa vie dans ces circonstances difficiles. « La fiction rend la réalité supportable et permet de mieux la comprendre », explique le cinéaste à 20 Minutes. On prend fait et cause pour ce héros solitaire qui voit sa mère s’étioler sans pouvoir la secourir.
La créature inquiétante est seule à comprendre ses épreuves et n’hésite pas à le secouer pour lui permettre de les surmonter. « Son travail de deuil est d’autant plus douloureux que sa mère n’est pas encore morte, insiste Juan Antonio Bayona. Il va devoir admettre l’une des choses les plus dures au monde : à savoir que le monde n’est pas noir ou blanc, mais tout en nuances. »
Un monstre hybride
Liam Neeson prête sa gestuelle (et sa voix en anglais) à cet être sylvestre tantôt inquiétant ou complice. « Nous avons mélangé les techniques, informatiques et prises de vues réelles, pour que la créature prenne réellement corps », précise le réalisateur. Une tête, un pied et un bras articulés permettaient au jeune comédien d’avoir des référents concrets quand il fait face à cet étrange homme des bois.
Liam Neeson a donné la réplique son partenaire juvénile bien qu’il ait joué une partie du film couvert de capteurs selon la technique de la capture de mouvements. « Il a apporté une véritable humanité à ce personnage très particulier insiste le réalisateur. Et retrouvé la magie du livre sans pour autant gommer son aspect inquiétant. »
Le monstre est l’incarnation de tous les soucis d’un môme que les circonstances contraignent à grandir trop vite. « C’est de ce passage express vers l’âge adulte que parle Quelques minutes avant minuit. Même si je n’ai jamais connu de circonstances aussi dramatiques dans ma vie, je me sens proche de lui parce que j’étais un enfant introverti », précise Juan Antonio Bayona.
Un grand mélange pour un carton
A la fois mélo, film d’horreur et chronique familale, cette œuvre ne rentre vraiment dans aucune case. « J’ai grandi en me forgeant une cinéphélie éclectique grâce à la télévision. Je découvrais tous les genres et j’aime bousculer les barrières pour les mélanger. » Cela rend l’histoire passionnante car le public ne sait jamais sur quel pied danser, passant de l’angoisse à la compassion en un tour de main.
« J’ai eu du mal à produire Quelques minutes après minuit parce que cette histoire était compliquée à résumer, mais je crois que c’est ce qui a finalement séduit le public espagnol », avoue le cinéaste. Ce conte cruel coproduit par Guillermo Del Toro envoûte par sa façon d’évoquer des sujets graves avec un sens rare de la poésie macabre. Il n’est pas inutile de prévoir des mouchoirs en papier avant la séance.