«Willy 1er» roi du scooter, des copains et des emmerdes
RENCONTRE•«Willy 1er» puise dans le vécu d'un formidable acteur «non professionnel» pour inventer une histoire qui ne ressemble à aucune autre...Stéphane Leblanc
Willy 1er n’est pas un film comme les autres, mais un « pur joyaux d’humanité », comme l’écrit 20Minutes sur l’affiche. La preuve par trois que c’est vrai.
1/L’histoire du film, intimement liée à celle de son comédien principal Daniel Vannet, un quinquagénaire qui ne savait ni lire, ni écrire il y a encore quelques années, sort résolument de l’ordinaire.
2/Il s’agit d’un road-movie d’une rare modestie (quelques kilomètres parcourus d’un village à l’autre tout au plus). Une tragicomédie sur fond de misère psychologique et sociale, mais traitée avec une verve humoristique détonante et un optimisme revigorant.
3/Ses jeunes réalisateurs, Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas, sont quatre, comme les doigts de la main de Mickey, ce qui tombe bien quand on a l’humour cartoonesque. « On sait qu’on est plus fort à quatre », confirme Hugo, comme si leur nombre compensait la faiblesse de leur âge. « nous a réunis et on a pris l’habitude de travailler ainsi, raconte Ludovic : L’un d’entre nous lance une idée, on rebondit dessus et on se retrouve avec au moins quatre idées à l’arrivée. »
Et le film, dans tout ça ?
« Je ne sais plus si c’était en 2004 ou 2005… Ça a changé ma vie, ouais. » La voix de Daniel Vannet au début du film permet de comprendre que Willy 1er lui sera entièrement consacré. « C’est vrai que je prends beaucoup de place dans le film », sourit le quinquagénaire, ancien chomeur en difficulté découvert dans un documentaire de France 2 sur .
Après l’avoir fait jouer dans deux de leurs courts-métrages, les jeunes réalisateurs ont décidé, pour leur premier long, de dédoubler son rôle. Daniel est à la fois Willy et son jumeau Michel. Et il faut le(s) voir pisser par la fenêtre de l’appartement - « une idée de Marielle », souffle Zoran - ou tourner sur deux roues en voiture comme s’il s’agissait d’une toupie…
Jours heureux avant que Michel ne disparaisse et que Willy ne se chamaille avec ses parents : « A Caudebec, j’irai. Un appartement, j’en aurai un. Un scooter, j’en aurai un. Des copains, j’en aurai. Et j’vous emmerde », leur lance-t-il. Willy claque la porte et part s’installer dans le village voisin, comme Daniel l’a fait dans la vraie vie. Gagner des sous pour s’acheter un scooter. Se faire des copains. Et emmerder pas mal de monde.
Et dans la vraie vie ?
En vrai, Caudebec s’appelle Aulnoye et se situe dans le Pas de Calais. « Avant d’écrire le film, on est allé le voir là-bas, on a rencontré ses voisins, ses proches. Il y a dans le parcours de Daniel une certaine résonance avec nous, racontent les quatre jeunes réalisateurs. A presque 50 ans, Daniel vivait toujours chez ses parents, et ce n’est qu’après plusieurs drames familiaux et un énième rappel à l’ordre médical, qu’il a décidé de tout envoyer valser. En fait, il a fait à 50 ans ce qu’on fait tous généralement entre 15 et 20 ans : il s’est rebellé. Pour la première fois, il a dit non, il a dit merde. » Dans le film aussi, Willy dit souvent merde. « Oui, c’est vrai, et moi aussi », rigole Daniel Vannet, capable dans le film d’accuser son pote beau gosse, « de le tirer vers le bas », de soutirer l’affection de son assistante sociale (Noémie Lvovsky), ou de sympathiser avec son collègue de rayon du supermarché qui l’engage sur un coup de chance…
Ce collègue s’appelle aussi Willy, mais des deux, Willy 1er, ce sera lui. Depuis, le téléphone de Daniel Vannet n’arrête pas de sonner. « Je ne peux pas te parler là, on est en train de m’interviewer », répond-il avant d’avouer : « Le cinéma j’y ai pris goût. C’est un métier comme un autre… C’est beaucoup de travail, mais on y arrive quand même. »
Après Cannes où Willy 1er était sélectionné à l’Acid, le film sera présenté au Festival du film français de Los Angeles en avril 2017. Daniel Vannet, qui n’avait jamais pris l’avion avant ses 50 ans, se prépare déjà pour l’événement : « A Hollywood j’irai, Anglais je parlerai… » On imagine la suite.