«La terre et l’ombre»: Une pluie de cendre dans un champ de Colombie
DECOUVERTE•La Caméra d’or 2015 a été réalisée en Colombie sous l’influence de Reygadas et Tarkovski. Résultat : un film âpre à la beauté stupéfiante…Caroline Vié
Quel film étrange et fascinant que La Terre et l’ombre, découvert à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes cette année et récompensé par la Caméra d’or. Pour son premier long-métrage, le César Acévedo plonge au cœur de la campagne colombienne.
Dix-sept ans après l’avoir quitté, un vieux paysan revient dans son village pour s’occuper de son fils souffrant. Là, il découvre un paysage apocalyptique : le foyer familial est cerné par d’immenses plantations de cannes à sucre dont l’exploitation provoque une pluie de cendres continue. L’homme va alors tenter de retrouver sa place et sauver sa famille. « C’était une façon d’exorciser la mort de ma mère », explique le réalisateur à 20 Minutes.
Sur les traces de Tarkovski et Reygadas
Acevedo considère le cinéma avec un grand sérieux et n’hésite pas à citer Andreï Tarkovski et Carlos Reygadas comme références. « J’estime avoir une responsabilité en tant que cinéaste. Je veux faire connaître la vie de mon pays mais aussi livrer des œuvres de qualité même si cela veut dire faire des sacrifices financiers. » Acteurs non professionnels à quelques rares exceptions et décors naturels superbes lui ont permis de livrer un film brut aux images époustouflantes. On est bluffé par les qualités esthétiques et la maturité de la mise en scène du film.
Fraîcheur, talent et intégrité
On aura compris que La terre et l’ombre n’a rien d’une comédie burlesque. Ce conte d’une grande âpreté filmé dans des champs saupoudrés de cendres envoûte en douceur. Depuis, César Acévedo ne s’est pas endormi sur les cannes à sucres que cultivent ses héros. « Je me suis remis à écrire mais j’envisage cette fois de ne prendre que des acteurs professionnels pour pouvoir les pousser davantage. Je ne me vois pas tourner des divertissements à l’étranger même si on me le propose un jour », dit-il. On lui souhaite de garder la fraîcheur, le talent et l’intégrité qui habitent son premier film.