«L’Hermine»: Fabrice Luchini s'est apaisé depuis «La Discrète» selon Christian Vincent
STAR•Vingt-cinq ans après «La Discrète», le réalisateur retrouve le comédien pour un film magistral...Caroline Vié
En 1991, Christian Vincent recevait les César de la meilleure première œuvre et du meilleur scénario pour La Discrète avec Fabrice Luchini. Vingt-quatre ans plus tard, les deux hommes sont récompensés à la Mostra de Venise, l’un comme scénariste, l’autre comme comédien, pour L’Hermine, œuvre magistrale dans laquelle Luchini campe un président de cour d’assise au cœur en hiver. « Je lui ai écrit un personnage proche de la retraite, pas aimable, grippé qui va au tribunal en traînant des pieds, un homme qui n’a pas d’amour et pas beaucoup d’humanité », confie le réalisateur à 20 Minutes.
Des premières retrouvailles ratées
Avant ces retrouvailles réussies, les deux hommes avaient manqué un premier rendez-vous pour Je ne vois pas ce qu’on me trouve (1997). « Fabrice avait refusé le rôle parce qu’il estimait - évidemment à tort - que ce type qui doute, qui pense que son succès est un malentendu voire une imposture lui ressemblait trop », se souvient Christian Vincent. C’est finalement Jackie Berroyer qui a tenu la vedette du film. « Je n’en ai pas voulu à Fabrice et quand le producteur Mathieu Tarot m’a demandé si j’avais envie de retourner avec lui, j’ai immédiatement pensé à ce personnage de juge omnipotent au tribunal et perdu dans sa vie privée qui va renaître à la vie. »
Une femme qui compte
Dès qu’il croise le regard d’une jurée (sublime Sisde Babett Knudsen toute en délicatesse), le magistrat inflexible sent son palpitant frémir devant cette femme qui a beaucoup compté pour lui. Son attitude va changer au fil d’un procès éprouvant sur fond d’infanticide. « Fabrice n’est pas du genre à faire des recherches poussées pour ses rôles, insiste Christian Vincent, mais nous lui avons conseillé de venir voir un procès pour qu’il comprenne que le président doit rester neutre, ne jamais montrer ce qu’il pense au jury tout en lui exposant les éléments de l’affaire. » Résultat : Luchini, sobre comme rarement, est bouleversant.
Un homme apaisé
« Professionnellement, il a peu changé depuis notre première collaboration en 1983 pour le court-métrage Il ne faut jurer de rien, avoue le cinéaste. Il vous fait confiance car ce n’est pas un metteur en scène frustré. Personnellement, il s’est apaisé. Il me disait rêver d’être « normal ». Je crois qu’il y est parvenu. » Le comédien n’a pas volé son prix d'interprétation à Venise, qu’il n’est pas venu chercher parce qu’il était en tournage. « Il était très touché par cette récompense, raconte Christian Vincent et l’accueil triomphal des Italiens lui a fait un plaisir fou. » Souhaitons que celui des spectateurs français sera aussi chaleureux.