TEMOIGNAGEFrédéric Chau : « Je voulais être plus blanc que blanc »

Frédéric Chau : « Je voulais être plus blanc que blanc »

TEMOIGNAGEL'acteur de 38 ans, rendu célébre par «Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu», raconte à « 20 Minutes» pourquoi il sort son livre « Je viens de si loin »…
Frédéric Chau, à l'Alpe-d'Huez, en janvier 2015.
Frédéric Chau, à l'Alpe-d'Huez, en janvier 2015. - Guillaume Collet/SIPA
Joel Metreau

Joel Metreau

Grâce aux 12 millions de spectateurs qui ont vu Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu en salles l’an passé, son visage n’est plus inconnu. Dans cette comédie qui jouait avec les clichés racistes, Frédéric Chau incarnait Chao Ling, banquier d’origine chinoise. Ce rôle n’était pas si éloigné de ce qu’a pu vivre l’acteur. Victime de préjugés, Frédéric Chau, 38 ans, a traversé une crise identitaire qu’il raconte dans Je viens de si loin (Philippe Rey, 18€). Ses parents ont été chassés du Cambodge par les Khmers rouges en 1975. Il naît au Vietnam en 1977, la même année, il part pour la France.



Le rejet des origines

Sa famille s’installe dans en banlieue parisienne. Frédéric Chau se sent mal à l’aise dans sa jeunesse : « J’ai fait un énorme rejet de mes origines, frontal et violent. Je voulais être plus blanc que blanc, et fallait même pas qu’on m’assimile à un Chinois. On a juste envie d’être accepté comme tout le monde. Mais en grandissant, je me suis aperçu que tout ce qui m’arrive de bien dans la vie, c’est grâce à mes origines. » Avant, il traverse une crise identitaire. « Je prenais l’identité des gens, comme dans le film Le talentueux Monsieur Ripley, avec Matt Damon. Ce sont des masques que je portais et que je reproduisais jusque mes 28 ans. » Aujourd’hui il évoque ouvertement, la dépression et la prise de drogues, en raison d’« un manque de personnalité ».

Le retour au Cambodge

Je viens de si loin revient longuement sur le voyage au Cambodge qu’il a mené. « Je savais qu’on venait du Cambodge, mais c’est surtout avec le documentaire S21, la machine de mort Khmère rouge de Rithy Panh que j’ai compris ce à quoi on avait échappé. Car mes parents n’ont jamais voulu m’en parler. » Ce retour aux sources, en Asie, se révèle salutaire, tout autant que l’écriture de Je viens de si loin: « Avec ce livre, je veux montrer qu’on avance plus facilement quand on sait qui on est et d’où on vient. Et on est davantage en paix. »

Sensible aux discriminations

Le fait d’être pointé du doigt durant sa jeunesse l’a rendu sensible aux discriminations subies par les autres. Frédéric Chau a participé à un clip dénonçant les contrôles au faciès. Il se rappelle d’une interpellation mouvementée par la police quand il était ado : « Les flics sont arrivés à la Starsky et Hutch. Juste au-dessus, il y avait des familles, des mamans qui nous regardaient. Ils nous ont arrêtés comme des mecs de la BAC alors qu’on allait juste faire un foot. J’ai trouvé ça très violent. » Frédéric Chau a également participé à un clip contre l’homophobie : « J’ai des amis homos, toute forme de discrimination me parle. »

Un passé de steward

Frédéric Chau évoque peu dans son livre le fait qu’il a été steward pendant plusieurs années chez Air France… « L’avion, c’est le seul endroit au monde qui peut réunir des chercheurs de la NASA, Madonna, une équipe de volleyeuses brésiliennes et un expulsé togolais. L’avion condense la diversité du monde. » De cette expérience, il va écrire une série humoristique intitulée PNC aux portes. Il en a des anecdotes : « J’étais à Honk-Kong une fois avec l’équipage. On boit un verre dans un bar, la serveuse chinoise commence à me parler en cantonais. Elle ne croyait pas que j’étais Français. Je lui montre mon passeport, et elle me dit en anglais : « Mais on fait les mêmes au marché ! »

Le stand-up l’a révélé

Du métier de steward, il glisse peu à peu vers la scène, fait un passage éclair dans un clip de Magic System… « J’ai fait du théâtre car j’étais très timide et le théâtre me permettait de désacraliser le regard que les gens portaient sur moi. » Mais en épluchant les castings, il se rend compte qu’« il n’y avait que des rôles pour des Caucasiens. Sauf qu’un jour je tombe sur une annonce où il y a écrit recherche asiatique, pakistanais ou n’importe quoi pour faire du stand up. Je me suis dit que le producteur devait être vraiment dans la merde. » Il s’agissait de Kader Aoun, alors metteur en scène de Jamel. » Cela fait six ans qu’il ne fait plus de stand-up (« ce n’est pas ma vocation »). Le succès de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu lui permet désormais de refuser les rôles « qui alimentent les clichés à l’égard des Asiatiques. »

Une déclaration d’amour

Le projet qui lui tient à cœur s’appelle Made in China. « C’est une comédie sociale qui met en lumière la communauté asiatique à Paris. Je l’écris, le réalisateur c’est Julien Abraham, réalisateur de La Cité rose. C’est une déclaration d’amour pour ma communauté. On prend les clichés, on les tord et on montre la communauté asiatique dans ses us et coutumes. »