Berlinale: Cinq préjugés sur le cinema allemand battus en brèche
CINEMA•Le jury de jeunes cinéphiles français et allemands, emmené par l'actrice Marie Baümer, a décerné les prix «Ofaj Dialogue en perspective» tout en interrogeant le cinéma allemand d'aujourd'hui...Stéphane Leblanc
De notre envoyé spécial à Berlin
Raté. Le cinéma allemand n'a remporté aucun des ours de la compétition berlinoise et pourtant, les bons films allemands ne manquaient pas dans la sélection 2015. Les jeunes jurés appelés à juger les films de la section Perspective du cinéma allemand, recrutés par l'Ofaj (Office franco-allemand de la jeunesse) ont voulu donner une valeur symbolique aux prix décernés à un court-métrage audacieux de 40 minutes et à une très bonne comédie. De quoi battre en brèche quelques préjugés sur l'austérité présumée du cinéma allemand.
Le cinéma allemand ne traite que de drames historiques
Prenez Goodbye Lenin, La Vie des autres, Barbara... Autant de succès récents du cinéma allemand qui ont bien traversé les frontières. Ce sont tous des films marqués par l'histoire récente du pays. «Mais Il n'y a pas que le nazisme et la DDR dans le cinéma allemand», s'exclame Alice Wagret, jeune jurée du Prix «Ofaj-Dialogue en perspective» et étudiante en réalisation à l'école de la Cité de Luc Besson. La plupart des films allemands présentés cette année à Berlin traitait en effet de sujets purement contemporains.
Le cinéma allemand est mal identifié
En fait, c'est tout le peuple allemand qui se cherche. «Et cela porte un nom intraduisible en français: heimat, précise Alice Wagret. C'est un des thèmes récurrents du cinéma actuel en Allemagne, où il est question d'exode rural, de déracinement, de quête d'identité.» Le Prix Ofaj-Dialogue en perspective a été décerné ce samedi pour au moyen-métrage A Perfect place, qui traite précisément de cette thématique... Un film imparfait, contrairement à ce que son titre indique, mais regorgeant de belles idées de mise en scène. «Quand il y a perspective dans l'intitulé du prix, primer un film pour les perspectives qu'il offre, ça fait sens», note Chloé Odstrcil, également membre du jury.
L'humour du cinéma allemand ne passe pas
Goodbye Lenin, en 2002, a prouvé le contraire. Et le jury du prix Ofaj a tenu à récompenser une comédie parce qu'elle était «vraiment réussie». Une mention a donc été attribuée à Summers Downstairs, l'histoire d'une famille de la bourgeoisie allemande qui se déchire lors de vacances en France sur la cote Atlantique. «C'est une comédie qui pourrait marcher dans les deux pays, prévient Alice Wagret, tant les thèmes abordés parviennent à mêler et confronter les deux cultures dans un dialogue interculturel parfois jubilatoire».
Le cinéma allemand est lourd
«En Allemagne, on naît avec beaucoup de fantaisie, mais on la perd vite, raconte la comédienne allemande Marie Baümer, qui dirigeait le jury. Je suis frappée de voir à quel point les Allemands ont besoin de pragmatisme et de réalisme.» C'est peut-être la raison pour laquelle la nouvelle adaptation par Disney de Cendrillon a reçu un accueil très chaleureux du public allemand. A Cannes, on se serait sans doute pincé le nez. Il n'empêche, «Les films allemands sont souvent un peu lourds», note Alexander Graeff, membre allemand du jury et régisseur (il a travaillé sur Party Girl). «Dépressifs, même», ajoute Marie Baümer. «Mais ça s'arrange un peu», nuance Alice Wagret.
Le cinéma allemand manque d'audace
«En Allemagne, on sait faire des voitures et des scies sauteuses, mais le cinéma, ce n'est pas ça, s'exclame Marie Baümer: les films sont surtout produits pour la télévision.» «On a l'impression que le cinéma autrichien est plus inventif, du moins plus radical et plus intéressant que le nôtre», souligne Alexander Graeff. Victoria, film allemand tourné en un seul plan séquence, a pourtant fait forte impression en compétition. Et glané deux prix certes mineurs, ceux de la Guilde des réalisateurs allemands et du Berliner Morgenpost. Mais deux prix quand même.